La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte l’Égypte à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°36/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Islam Nasser Abdulnabi Abdulmoneim, Anas Hassan Ahmed Shafiq Mohamed Abu Zakary, Abdurahman Osama Mohamed Alaqeed, Mostafa Ahmed Ali Shaaban, Mohamed Ezzat Taha Omran, Mohamed Nasr Abdulhamid Ibrahim, Gehad Ayed Soliman Ayad, Mohamed Salah Ahmed Bayomi, Ahmed Yossri Rabea Abdulghany et Gehad Abdulkhaiq Awda Saeed, demandant à l’Égypte de les libérer immédiatement et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant ces dix individus (Égypte) : Avis 36/2023.
DÉTENUS ARBITRAIREMENT DEPUIS DES ANNÉES SUR LA BASE D'ACCUSATIONS LIÉES AU TERRORISME
Messieurs Abdulmoneim, Abu Zakary, Alaqeed, Shaaban, Omran, Ibrahim, Ayad, Bayomi, Abdulghany et Saeed sont des ressortissants égyptiens qui étaient âgés de 22 à 35 ans au moment de leur arrestation respective. Tous avaient des activités et/ou des professions différentes au moment de celles-ci. Dans un contexte de répression à grande échelle des autorités Égyptienne contre l'opposition politique, la source allègue que ces arrestations auraient visé à les empêcher de s'exprimer sur les violations de leurs droits dont ils ont fait l'objet pendant leur détention.
Ils ont été arrêtés entre février 2014 et juin 2021, dans différentes villes d'Égypte et dans différentes circonstances (par exemple, au domicile d'un proche, à leur propre domicile, dans la rue, à un poste de contrôle de police...). En outre, M. Alaqeed a été arrêté pour la première fois en février 2014, puis à nouveau en février 2019 alors qu'il assistait à l'une de ses séances de probation. La plupart ont été arrêtés par des officiers de police et/ou des forces de sécurité nationale, en uniforme et/ou en civil.
Tous ont été inculpés et, pour certains, condamnés pour des charges liées au terrorisme, notamment pour avoir rejoint et/ou financé un groupe interdit ou terroriste. Au moment de la communication de la source au Groupe de travail, tous étaient encore détenus dans au moins trois prisons différentes en Égypte. Le gouvernement a choisi de ne pas contester ces allégations, bien qu'il ait eu la possibilité de le faire.
DISPARITION FORCÉE ET DÉTENTION ARBITRAIRE SANS BASE LÉGALE
Tous ont été arrêtés sans mandat d'arrêt, sans être informé des raisons de leur arrestation ou des charges retenues contre eux pendant des mois, voire des années. Le groupe de travail a estimé que ces situations constituaient une violation des articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 9(1) et 9(2) du Pacte, ces arrestations étant par conséquent dépourvues de toute base légale.
De plus, tous ont été soumis à des disparitions forcées pendant des périodes différentes, allant de plusieurs mois à plusieurs années, ce que le Groupe de travail a également considéré comme une violation de l'article 9(1) du Pacte. En tant que tel, leur droit à être reconnu comme des personnes devant la loi a été violé, en vertu de l'article 6 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 16 du Pacte. Sous ces mêmes circonstances, le groupe de travail a constaté que leur droit à contester la légalité de leur détention devant un tribunal, comme le prévoit l'article 9(4) du Pacte, et donc leur droit à un recours effectif, comme prévu par l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 2(3) du Pacte, avaient été violés.
Le groupe de travail a également noté que les détentions provisoires devraient être l'exception plutôt que la règle et que, lorsqu'elles sont exceptionnellement requises, elles devraient être aussi courtes que possible. Dans le cas présent, toutes ces personnes ont été arrêtées et soumises à de longues périodes de détention provisoire, allant de deux à cinq ans. Le Groupe de travail a donc conclu à une violation de l'article 9(3) du Pacte. De plus, dans ces circonstances, aucune des personnes arrêtées et détenues n'a été rapidement présentée à un juge, ce qui constitue également une violation de l'article 9(3) du Pacte.
Finalement, la détention de tous ces individus a été ordonnée et renouvelée à plusieurs reprises par le Parquet suprême de la sûreté de l'État. Le Groupe de travail a établi que ces autorités ne pouvaient être considérées comme indépendantes, objectives et impartiales pour garantir le bon exercice du pouvoir judiciaire, en violation de l'article 9(3) du Pacte.
Ainsi, le groupe de travail a estimé que les arrestations respectives de ces dix personnes étaient toutes arbitraires au sens de la catégorie I.
VIOLATIONS DE LEURS DROITS À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Outre les conclusions établies par le Groupe de Travail ci-dessus, ce dernier a également constaté qu'étant donné que les personnes susmentionnées ont été détenues au secret pendant de longues périodes après leur arrestation, leur droit d'être reconnues comme des personnes devant la loi avait été violé, en vertu de l'article 6 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 16 du Pacte. Le Groupe de Travail a également souligné que ces situations les empêchaient d'avoir des contacts avec le monde extérieur.
De plus, dans ces circonstances, les dix personnes n'ont pas pu avoir d'entretiens confidentiels avec leur avocat ou recevoir leur visite pendant leur détention, et n'ont donc pas pu préparer leur défense. Le Groupe de Travail a donc conclu à une violation de l'article 14(3)(b) et (d) du Pacte.
Enfin, Messieurs Shaaban, Abdulmoneim, Alaqeed et Abu Zakary auraient été torturés pendant leur détention. À cet égard, le Groupe de Travail a déclaré qu'il pourrait y avoir eu des violations des articles 5 et 25(1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 7 et 10(1) du Pacte. De plus, le Groupe de Travail a notamment exprimé sa préoccupation quant à l'impact négatif que de tels actes pourraient avoir sur la capacité de ces personnes à se défendre et à bénéficier de la présomption d'innocence, deux éléments essentiels pour garantir leur droit à un procès équitable.
Par conséquent, le Groupe de Travail a estimé que ces détentions étaient arbitraires au sens de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations unies contre la détention arbitraire a estimé que les détentions de Messieurs Abdulmoneim, Abu Zakary, Alaqeed, Shaaban, Omran, Ibrahim, Ayad, Bayomi, Abdulghany et Saeed étaient arbitraires et relevaient des catégories I et III car leur privation de liberté était contraire aux articles 3, 6, 8, 9, 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 2, 9, 10, 14 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de Travail a demandé au Gouvernement Égyptien de remédier sans délai à la situation de chacune des personnes susmentionnées. Le groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la solution appropriée serait de les libérer immédiatement et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international. Enfin, le Groupe de Travail a noté que ces cas s'inscrivaient dans le cadre d'un phénomène plus large d'arrestations et de détentions arbitraires qui semble avoir émergé en Égypte ces dernières années, et a exprimé sa préoccupation quant à leur caractère systémique.
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