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ALGÉRIE : DÉTENTION ARBITRAIRE DE L'ACTIVISTE ET POÈTE AZZEDINE MAACHE

La Ligue internationale contre la détention arbitraire demande au Gouvernement Algérien de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’avis n° 58/2023 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Azzedine Maache, demandant à l’Algérie de libérer immédiatement Azzedine Maache et lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Azzedine Maache (Algérie) : Avis n°58/2023.


ARRÊTÉ SANS MANDAT, SOUMIS À UNE DISPARITION FORCÉE, ET DÉTENU INCOMMUNICADO


Azzedine Maache est né le 8 mai 1973, et est national de l'Algérie. Mr. Maache est amazigh, et il vit dans la ville de Batna, située dans une région berbérophone dans l’est de l’Algérie peuplée par les Chaouis, un groupe éthnique appartenant aux amazighs. À différentes occasions, il a pris part à des manifestations pacifiques pour les droits culturels du peuple amazigh et pour la démocratie en Algérie, des mouvements réprimés par le gouvernement algérien à partir de 2020. De plus, il rédige des poèmes berbères pour promouvoir la culture amazighe.


En 2019, Mr. Maache a été arreté une première fois pour avoir porter l'emblème amazigh lors d'une manifestation, et suite à quoi il a été accusé d'avoir porter atteinte à l’unité territoriale. Il avait cependant été acquitté.


Le 14 septembre 2021, Mr. Maache a été de nouveau arrêté par des agents de police dans son quartier de résidence, avant que sa maison ne soit perquisionnée. Suite à une détention dans un lieu inconnu pendant plusieurs jours, Mr. Maache a été présenté à un juge le 22 septembre 2021. Il a alors été accusé de différent chefs d'accusations, allant de crime d'atteinte à l'unité territoriale du pays à diverses crimes terroristes.


Le 7 juillet 2022, Mr. Maache a été condamné, entre autres, pour atteinte à l'ordre et à la sécurité publics à travers la publication d'informations mensongères, et aurait notamment ainsi été condamné à 10 ans de prison ferme. Suite à l'appel de cette décision par Mr. Maache, le 13 novembre 2022, il a été acquitté de certains chefs d'inculpation et sa peine réduite à 7 ans de prison ferme. Au moment de la communication de la source au Groupe de Travail, Mr. Maache était incarcéré à la prison de Bordj Bou Arreridj, dans l'attente de la décision de la Cour suprême à laquelle il a fait appel de sa condamnation. Bien qu'ayant été sollicité par le Groupe de Travail pour répondre à ces allégations, le Gouvernement ne l'a pas fait.


Tout d'abord, lors de son arrestation le 14 septembre 2021, aucun mandat d’arrêt n’a été présenté à Mr. Maache, et il n'a pas non plus été informé des raisons de son arrestation. Mr. Maache n'a été informé de ces raisons que le 22 septembre 2021. Le Groupe de Travail a donc conclu que les articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de l’article 9 (1) et (2) du Pacte avaient été violés.


De plus, pendant les 9 premiers jours de sa détention, durant lesquels il a été interrogé, Mr. Maache a été détenu secrètement dans les locaux de la police, sans pouvoir contacter sa famille ou un avocat. Cette détention a pris fin le 22 septembre 2021, soit le jour de sa comparution devant le juge. Le Groupe de Travail a par conséquent estimé que le droit de Mr. Maache a être présenté devant une autorité judiciaire rapidement après son arrestation avait été violé, sous l'article 9(3) du Pacte.


De plus, le Groupe de Travail a également estimé que cette situation de détention au secret avait empêché Mr. Maache de contester la légalité de sa détention devant une autorité judiciaire, en violation de l’article 9(4) du Pacte. Le Groupe de Travail a également noté que ces circonstances équivalait à une disparition forcée, soit une forme particulièrement grave de détention arbitraire.


Enfin, la famille de Mr. Maache n’a été autorisée à lui rendre visite que trente minutes par semaine d’octobre 2021 à juillet 2022, durée ensuite réduite à quinze minute toutes les deux semaines à partir de juillet 2022. Le Groupe de Travail a donc rappelé que de telles restrictions pouvaient donné lieu à des violations de l'article 9(3) et (4) du Pacte.


Compte tenu de ces violations, le Groupe de travail a conclu que l'arrestation et la détention de Mr. Maache étaient dépourvues de base légale, rendant sa détention arbitraire au titre de la catégorie I.


DÉTENU EN VIOLATION DU DROIT À LA RÉUNION PACIFIQUE, À LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION, ET À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION


La source considère que Mr. Maache a été arrêté et détenu en raison de sa participation à des manifestations pacifiques promouvant les droits du peuple amazigh et la démocratie en Algérie, ainsi qu'en raison de la publication de ses poèmes berbères. Le Groupe de Travail a estimé que ces allégations étaient fondées, et a donc conclu que Mr. Maache avait été arrêté en raison de l'exercise de son droit à la liberté d’expression, en violation de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, et de l’article 19 du Pacte. De plus, le Groupe de Travail a estimé Mr. Maache avait également été arrêté en raison de l'exercise de ses droits à la réunion pacifique et à la liberté d’association à travers ses participations à diverses manifestations, violant ainsi l'article 20 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et les articles 21 et 22 du Pacte.

Finalement, Mr. Maache était - entre autres - accusé du crime d’adhésion à un groupe terroriste sur la base de l’article 87 bis du Code pénal. À ce sujet, le Groupe de Travail a réitéré ses indéquiétudes concernant cet article qui, parce que définissant trop vaguement le terme terrorisme, peut être utilisé pour interdire l’exercice pacifique des droits fondamentaux. Le Groupe de Travail a notamment rappelé cet article n'était pas conforme au principe de légalité, protégé par l'article 15 du Pacte.


Au regard de ces violations des libertés fondamentales garanties par le droit internationale, le Groupe de Travail a donc considéré l’arrestation et la détention de Mr. Maache arbitraires au sens de la catégorie II.


VIOLATION DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE, SOUMIS À DES TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS


Mr. Maache a été interrogé après son arrestation sans assistance de son avocat, il n’a pas été informé de son droit à une assistance légale ou de son droit à ne pas répondre aux questions des forces de l’ordre. Il a également été privé de son droit à un avocat au moment de comparaitre devant le Procureur puis devant le juge d’instruction, lors de sa première comparution le 22 septembre 2021. Dans ces circonstances, le Groupe de Travail a estimé que Mr. Maache avait été privé de son droit à préparer convenablement sa défense, en violation de l’article 14 du Pacte.


De plus, Mr. Maache a été détenu en secret lors des neufs premiers jours de sa détention, où l’interrogatoire en l’absence de son avocat a résulté en de sévères pressions psychologiques. Les aveux que Mr. Maache a fait dans ces conditions ont ensuite été utilisés contre lui au cours des poursuites judiciaires à son encontre. Les Groupe de Travail a rappelé que torturer un détenu pour obtenir des informations était contraire à l’article 14(3)(g) du Pacte et aux articles 2 et 15 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ainsi, le Groupe de Travail a estimé que dans ces circonstances, les droits de Mr. Maache à ne pas être forcé à s'avouer coupable et à un procès équitable, protégés par l'article 14 du Pacte et les articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, avaient été violés.


En conséquence, le Groupe de Travail a établi que les violations du droit de Mr. Maache à un procès équitable étaient d’une gravité telle qu'elles rendaient sa détention arbitraire au sens de la catégorie III.


PRIVÉ DE SA LIBERTÉ EN RAISON DE SON ORIGINE SOCIALE, ETHNIQUE, ET POUR SES OPINIONS POLITIQUES


La source affirme que Mr. Maache a été arrêté en raison de son militantisme et de son appartenance à la minorité ethnique amazigh. Le Groupe de Travail a rappelé que Mr. Maache avait déjà été arrêté en 2019 lors d’une manifestation pacifique pour avoir porté le symbole du peuple amazigh, et a également souligné qu'il avait déjà eu à statuer sur des cas similaires de détentions arbitraires en Algérie. En considérant ceci, le Groupe de Travail a estimé que Mr. Maache avait été arrêté et détenu pour des motifs discriminatoires, notamment son origine sociale et ethnique, ainsi que ses opinions politiques. Le Groupe de Travail a donc estimé que les articles 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des articles 2 (1) et 26 du Pacte avaient été violés.


Ainsi, le Groupe de Travail a estimé que la détention de Mr. Maache était arbitraire au sens de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES SUR LES DÉTENTIONS ARBITRAIRES


À la lumière des éléments susmentionnés, le Groupe de travail des Nations Unies contre la détention arbitraire a estimé que la détention d’Azzedine Maache était arbitraire et relevait des catégories I, II, III et V parce que sa privation de liberté était contraire aux articles 2, 3, 7, 9, 10, 11, 19 et 20 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 2, 9, 14, 19, 21, 22 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.


Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le remède approprié serait de libérer immédiatement et sans condition Azzedine Maache et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.

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