La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement Australien à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’avis No. 15/2023 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Mohammad Dadashy demandant à l’Australie de libérer immédiatement et sans condition Mohammad Dadashy et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d’autres réparations conformément au droit international.
Lire l’avis complet du GTDA concernant Mohammad Dadashy (Australie) : Avis No. 15/2023.
UN MILITANT IRANIEN DES DROITS DE L’HOMME ARRÊTÉ SUR LA BASE DE LA LOI SUR L'IMMIGRATION DE 1958
Mohammad Dadashy est un ressortissant de la République islamique d’Iran, né le 16 mars 1990. Entre 2009 et 2012, il était militant politique en faveur des droits de l’Homme en Iran, ce qui l'a conduit à se faire détenir et torturer par les autorités Iraniennes. En 2012, il a fui en Australie pour éviter la détention. Après avoir quitté l’Iran, il a été jugé par contumace et condamné à 10 ans d’emprisonnement. Il est arrivé en Australie de manière irrégulière par voie maritime sur le récif d'Ashmore et a été immédiatement arrêté en tant que personne entrant par voie offshore en vertu de l'article 189(3) de la loi sur l'immigration de 1958. Il est détenu depuis plus de 10 ans et reste en détention.
Le Groupe de travail en a conclu qu’il n’y avait aucune raison de détenir M. Dadashy autre que son statut de migrant et qu’il était détenu en raison de l’exercice de ses droits légitimes en vertu de l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Groupe de travail a déterminé que M. Dadashy avait droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, comme garantit par l’article 9 du Pacte, et qu'en lui garantissant ces droits, l’Australie devait veiller à ce que cela se fasse sans distinction d’aucune sorte, conformément à l’article 2 du Pacte. Par conséquent, le Groupe de travail a conclu que la détention de Mohammad Dadashy était arbitraire au sens des catégories I et II.
L'AUSTRALIE DOIT RÉVISER SA LOI SUR L'IMMIGRATION À LA LUMIÈRE DE SES OBLIGATIONS INTERNATIONALES
Le Groupe de travail s’est référé à sa jurisprudence en ce qui concerne l’Australie, rappelant que depuis 2017 il avait examiné 20 cas qui concernent tous la même question, à savoir la détention obligatoire des immigrants en Australie conformément à la loi sur l'immigration de 1958.
Le Groupe de travail a en outre réitéré son inquiétude quant à l'attitude du gouvernemnt qui, dans tous ces cas, soutient que la détention est légale simplement parce qu'elle suit les stipulations de la loi sur l'immigration. Le Groupe de travail a une fois de plus clarifié que de tels arguments ne peuvent jamais être acceptés comme légitimes en droit international des droits de l'homme. Le fait qu'un État suive sa propre législation nationale ne prouve pas en soi que cette législation est conforme aux obligations que l'État a prises en vertu du droit international des droits de l'homme. Aucun État ne peut légitimement se soustraire à ses obligations en vertu du droit international des droits de l'homme en invoquant ses lois et règlements nationaux.
Le Groupe de travail a souligné qu’il est du devoir du Gouvernement d’aligner sa législation nationale, y compris la loi sur l'immigration, sur ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme. Depuis 2017, de nombreux organismes internationaux des droits de l’homme, dont le Comité des droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants et le Groupe de travail, ont régulièrement rappelé ces obligations au gouvernement australien.
Notant que le Gouvernement n’a pris aucune mesure, le Groupe de travail en a conclu que la détention de M. Dadashy en vertu de ladite législation était arbitraire. Effectivement, étant donné que la législation nationale viole le droit international des droits de l’homme, ce qui a été porté à l’attention du Gouvernement à de nombreuses reprises, celle-ci ne peut pas être considérée comme une base juridique valable justifiant la détention de M/ Dadashy. Par conséquent, le Groupe de travail a demandé au Gouvernement d’examiner d’urgence la loi sur l'immigration à la lumière de ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme.
SOUMIS À UNE DÉTENTION ILLIMITÉE DE FACTO SUR UNE BASE DISCRIMINATOIRE
Le Groupe de travail a noté que M. Dadashy était soumis à une détention de facto indéfinie en raison de son statut migratoire, sans la possibilité de contester la légalité de cette détention devant une instance judiciaire, ce qui est un droit encapsulé dans l'article 9(4) du Pacte. Le Groupe de travail a constaté que le gouvernement n'avait pas réussi à expliquer comment les révisions entreprises jusqu'à pésent du cas de M. Dadashy avait pu satisfaire les exigences énoncées à l'article 9(4) du Pacte, puisqu'en 10 ans, aucune instance judiciaire n'avait évalué la légalité de sa détention, et que ces révisions n'avait concerné ni la nécessité ni la proportionnalité de cette dernière. Le Group de travail a donc jugé sa détention arbitraire au sens de la catégorie IV.
En outre, le Groupe de travail a conclu qu’en tant que non-citoyen, M. Dadashy semble se trouver dans une situation différente de celle des citoyens australiens en ce qui concerne sa capacité de contester efficacement la légalité de sa détention devant les tribunaux nationaux, en raison du résultat effectif de la décision de la Haute Cour dans Al-Kateb c. Godwin. Selon cette décision, alors que les citoyens australiens peuvent contester la détention administrative, les non-citoyens ne peuvent pas contester une telle détention. Le Groupe de travail a souligné que cette situation était discriminatoire et contraire à l’article 26 du Pacte, et en a donc conclu que la détention de M. Dadashy était arbitraire au sens de la catégorie V.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a estimé que la détention de M. Dadashy était arbitraire et relevait des catégories I, II, IV et V parce que sa privation de liberté contrevenait aux articles 2, 3, 7–9 et 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi qu'aux articles 2, 9 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a recommandé que le Gouvernement Australien prenne sans délai les mesures nécessaires pour remédier à la situation de M. Dadashy et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes, en commençant par sa libération immédiate et en lui accordant un droit exécutoire à une indemnisation et à d’autres réparations.
En outre, le Groupe de travail a demandé au Gouvernement de revoir d’urgence la loi sur l'immigration à la lumière de ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme.
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