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AUSTRALIE : DÉTENTION ARBITRAIRE DU DEMANDEUR D'ASILE WAJID ALI

ILAAD

La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte au Gouvernement d’Australie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 23/2024 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Wajid Ali. Le Groupe de travail a demandé au Gouvernement australien d'accorder à Wajid Ali un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.


Lire l'avis complet du GTDA concernant Wajid Ali (Australie) : Avis n° 23/2024.


SOUMIS À UNE DÉTENTION INDÉFINIE DE FACTO DEPUIS PLUS DE NEUF ANS


Wajid Ali est un membre de l'ethnie pachtoune du Pakistan qui pratique la foi musulmane chiite, considéré comme né en 1987. Arrivé en Australie par bateau le 19 juin 2012, il a été placé en détention administrative en vertu de l'article 189(1) de la Loi Migration de 1958, au cours de laquelle il a demandé l'asile au motif qu'il faisait l'objet de persécutions de la part des talibans au Pakistan. Le 25 octobre 2012, il a été libéré avec un visa de transition, qui a ensuite été annulé le 10 avril 2014 en vertu de l'article 116 de la Loi Migration et de l'article 2.43 du règlement sur les migrations de 1994, à la suite de son arrestation et de son inculpation en 2013 pour atteinte à la pudeur d'un enfant de moins de 16 ans et agression de droit commun. En conséquence, M. Ali est devenu un « non-citoyen illégal », passible de détention obligatoire en vertu de l'article 189 (1) de la Loi Migration, et il a été rapidement placé en détention par les autorités.


En ce qui concerne les accusations criminelles portées contre M. Ali, il a été reconnu coupable le 25 juin 2016 et a reçu l'une des peines les plus légères disponibles : une obligation de bonne conduite d'un an et une amende de 200 dollars australiens. Son appel a été rejeté en décembre 2016.


En septembre 2014, M. Ali a été reconnu comme ayant besoin de protection internationale, mais ses demandes de visa de protection ont été rejetées en septembre 2013, en décembre 2016 et en décembre 2018 en vertu de l'article 501 de la Loi Migration pour des raisons de moralité. Selon la source, la procédure d'examen de son visa de protection était toujours en cours en décembre 2022. Ces refus ont empêché M. Ali de demander un autre visa et de présenter une nouvelle demande de visa de protection. Par conséquent, sans visa valide, il était toujours considéré comme un « non-citoyen illégal » et restait en détention administrative. Compte tenu des obligations de l'Australie en matière de non-refoulement et de l'impossibilité de renvoyer M. Ali au Pakistan, la seule issue juridique prévisible semblait être la détention administrative de M. Ali pour une durée indéfinie.


À cet égard, le Groupe de travail a noté que M. Ali avait été libéré de sa détention d'immigration avec un visa de transition (en attente d'expulsion) le 17 novembre 2023, à la suite d'une décision de la Haute Cour d'Australie, le 8 novembre 2023. Dans l'affaire NZYQ v. Minister for Immigration, Citizenship and Multicultural Affairs and Anor, la Haute Cour a statué que la poursuite de la détention par les services d'immigration n'était pas valablement autorisée une fois atteint un point où il n'y avait aucune perspective réelle que l'expulsion du détenu d'Australie soit réalisable dans un avenir raisonnablement prévisible. Bien que M. Ali ne soit plus détenu, le Groupe de travail a jugé nécessaire de rendre un avis, compte tenu des graves allégations relatives à la privation de liberté de M. Ali et à sa détention aux fins d'immigration, conformément au paragraphe 17(a) de ses méthodes de travail.


Le Groupe de travail a observé que le cas de M. Ali reflétait un schéma plus large de détention obligatoire des immigrants en Australie en vertu de sa Loi Migration de 1958. Le Groupe de travail a souligné les obligations internationales de l'Australie, y compris le principe selon lequel même si une détention est légale en vertu de la législation nationale, cette législation doit être conforme aux normes internationales relatives aux droits de l'Homme, comme l'ont souligné à maintes reprises divers organismes de défense des droits de l'Homme.


Le Gouvernement australien a eu la possibilité de réfuter les allégations de la source, mais n'a répondu qu'après la date limite fixée. Par conséquent, le Groupe de travail n'a pas pu considérer la réponse comme si elle avait été soumise à temps.


DÉTENU ARBITRAIREMENT SUR LA BASE DE LA LOI SUR LES MIGRATIONS DE 1958


La source affirme que la privation de liberté de M. Ali est fondée sur l'article 189, paragraphe 1, de la Loi Migration et sur la jurisprudence. Cette loi établit que les accusations criminelles portées contre un détenteur de visa de transition constituent un motif prescrit d'annulation. Après avoir été accusé d'infractions pénales, le visa de M. Ali a été annulé et il est devenu un « non-citoyen illégal », passible de détention administrative. La source a souligné qu'il suffisait d'une inculpation, et non d'une condamnation, pour que le visa de M. Ali soit annulé, violant ainsi la présomption d'innocence. En outre, la source a fait valoir que les circonstances individuelles de M. Ali n'avaient pas été prises en compte, que ce soit pour la période précédant sa condamnation ou pour des alternatives moins intrusives à la détention administrative continue pour raisons d'immigration.


Le Gouvernement australien a répondu que la détention de M. Ali était raisonnable, nécessaire et proportionnée compte tenu de sa situation personnelle, et qu'elle n'était donc jamais arbitraire. Le Gouvernement a fondé son argumentation sur la décision de la Haute Cour dans l'affaire Al-Kateb c. Godwin, selon laquelle la détention de non-citoyens en vertu, notamment, de l'article 189 de la Loi Migration ne violait pas la Constitution de l'Australie.


Le Groupe de travail a rappelé que la loi australienne sur les migrations a été jugée contraire au droit international relatif aux droits de l'Homme par de nombreux organismes de défense des droits de l'Homme, y compris le Groupe de travail dans des avis antérieurs. Dans ces conditions, cette loi nationale ne peut être considérée comme une base juridique valable pour la détention.


Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de travail a estimé que la détention de M. Ali était arbitraire au titre de la catégorie I, car elle constituait une violation de l'article 9(1) du Pacte.


PRIVÉ DE LIBERTÉ POUR AVOIR EXERCÉ SON DROIT DE DEMANDER L'ASILE CONTRE LES PERSÉCUTIONS


La source a fait valoir que M. Ali a été placé en détention pour avoir exercé son droit de demander et de bénéficier de l'asile contre les persécutions dans d'autres pays. En outre, après l'annulation de son visa de transition en avril 2014, M. Ali a été soumis à une détention administrative automatique, et a donc été à nouveau détenu en raison de son statut migratoire. Dans sa réponse tardive, le gouvernement a expliqué que la première détention administrative de M. Ali à son arrivée en Australie était conforme aux dispositions de la Loi Migration. Le Groupe de travail a rappelé que la demande d'asile est un droit de l'homme universel et que la détention administrative dans le contexte de la migration doit être appliquée comme une mesure exceptionnelle de dernier recours, pour la période la plus courte possible et seulement si elle est justifiée par un but légitime, comme il l'a développé dans sa délibération révisée n° 5.


Par conséquent, le Groupe de travail a estimé que la détention de M. Ali était due à l'exercice légitime de son droit de demander et de bénéficier de l'asile contre la persécution, consacré par l'article 14(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et par les articles 2 et 9 du Pacte, et qu'elle relevait de la catégorie II.


INCAPABLE DE CONTESTER LA LÉGALITÉ DE LA DÉTENTION


La source a affirmé qu'aucun mécanisme efficace n'était disponible pour contester la légalité de la détention d'une personne dans la situation de M. Ali, en violation de l'article 9 (4) du Pacte. La source a expliqué que le Comité des Droits de l'Homme avait précédemment observé, dans l'affaire A c. Australie, que les tribunaux australiens n'examinaient la légalité des décisions de détention qu'en vertu de la législation nationale, sans évaluer la conformité avec l'article 9(1) du Pacte. À cet égard, le Groupe de travail a rappelé la conclusion du Comité selon laquelle il n'existait pas de recours effectif pour contester la légalité du maintien de la détention administrative en Australie, en violation de l'article 9 du Pacte. Le Groupe de travail a souligné que le droit de contester la légalité de la détention est un droit humain protégé, y compris dans les cas de détention dans un contexte de migration.


Dans le cas de M. Ali, le Groupe de travail a constaté qu'il avait fait l'objet d'une détention administrative prolongée sans aucun contrôle judiciaire de la légalité de sa détention. Comme indiqué précédemment, aucune solution de rechange à la détention de M. Ali n'a été envisagée. Le Groupe de travail a réitéré sa position selon laquelle la détention indéfinie d'individus dans le cadre d'une procédure de migration est injustifiée et arbitraire, et qu'une durée maximale de détention des migrants doit être fixée par la législation.


Le Groupe de travail a déterminé que la détention de M. Ali était arbitraire au titre de la catégorie IV, car il était soumis de facto à une détention indéfinie en raison de son statut migratoire, sans possibilité de contester la légalité d'une telle détention devant une instance judiciaire, un droit protégé par l'article 9 (4) du Pacte.


DISCRIMINÉ EN TANT QUE NON-CITOYEN


Enfin, la source a fait valoir que M. Ali était victime de discrimination fondée sur sa naissance et sa nationalité. L'incapacité des non-citoyens de contester la détention administrative, une situation effective résultant de la décision de la Haute Cour d'Australie dans l'affaire Al-Kateb c. Godwin, a créé une inégalité avec les citoyens australiens. Le Gouvernement, se référant au Comité des droits de l'homme, a fait valoir que l'article 26 du Pacte, qui prévoit une égale protection de la loi pour tous, ne porte pas atteinte au droit d'un État de décider qui il admet sur son territoire. Cependant, le Groupe de travail a expliqué que la possibilité pour toutes les personnes de contester la détention est précisément ce que le Gouvernement doit démontrer pour se conformer aux articles 9 et 26 du Pacte.


Conformément à ses constatations antérieures, le Groupe de travail a conclu que cette situation était discriminatoire et contraire à l'article 26 du Pacte. Par conséquent, la détention de M. Ali était arbitraire et relevait de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


Le Groupe de travail s'est félicité de la décision de la Haute Cour d'Australie dans l'affaire NZYQ c. Ministre de l'Immigration et de la libération de M. Ali. Cependant, M. Ali avait toujours été soumis à une détention arbitraire et cette décision n'établissait pas de base pour une indemnisation ou d'autres réparations ou une possibilité de contester l'illégalité de la détention.


À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a estimé que la détention de Wajid Ali était arbitraire et relevait des catégories I, II, IV et V car sa privation de liberté était contraire aux articles 2, 3, 7, 8, 9 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 2, 9 et 26 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de travail a recommandé au Gouvernement australien de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de M. Ali et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, le recours approprié serait de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.

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