La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement de la Biélorussie à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 45/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Igor Alyaksandravich Losik en commençant par le libérer immédiatement et sans condition et par lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA concernant Igor Alyaksandravich Losik (Biélorussie) : Avis n° 45/2023.
ARRÊTÉ SANS MANDAT D'ARRÊT ET SOUMIS À UNE DÉTENTION PRÉVENTIVE PROLONGÉE
Igor Alyaksandravich Losik, né en 1992, est un citoyen de la Biélorussie. Il est militant, blogueur et consultant pour le service biélorusse de Radio Free Europe/Radio Liberty. Il est également le cofondateur et l'administrateur de « Belarus of the Brain », une chaîne Telegram fondée en 2016 pour créer une plateforme d'actualités accessible à tous les Biélorusses, qui est devenue le principal média utilisé par l'opposition biélorusse. Il avait déjà mené des manifestations pacifiques dans le cadre du mouvement « Revolution through Social Networks » en 2011.
Le 25 juin 2020, Mr. Losik a été arrêté à son domicile et accusé d'utiliser la chaîne Telegram « Belarus of the Brain » pour perturber l'ordre public en vue de l'élection présidentielle d'août 2020. Quelques heures après son arrestation, Mr. Losik et sa famille ont appris qu'une procédure pénale avait été ouverte contre lui en vertu de l'article 342 du code pénal biélorusse pour « organisation et participation active à des actions qui perturbent gravement l'ordre public », ce qui est passible d'une peine de trois ans d'emprisonnement.
Après son arrestation, Mr. Losik a été détenu dans une prison préventive de district à Minsk. Deux mois plus tard, il a été transféré au centre de détention provisoire de Zhodina, où un chef d'accusation supplémentaire lié aux « troubles de masse » et fondé sur l'article 293(2) du Code pénal a été retenu contre lui, pour une peine totale pouvant aller jusqu'à 11 ans d'emprisonnement. Lors de son procès à huis clos en 2021, Mr. Losik a été reconnu coupable et condamné à 15 ans d'emprisonnement. La peine a été confirmée par la Cour suprême de la Biélorussie et Mr. Losik a été transféré dans un établissement de haute sécurité où il purgait le reste de sa peine au moment de la communication de la source au Groupe de Travail. Bien qu'il ait eu la possibilité de répondre à ces allégations, le Gouvernement a choisi de ne pas le faire.
Le Groupe de Travail a constaté que l'arrestation de Mr. Losik était arbitraire, les autorités ne lui ayant pas fourni de mandat d'arrêt au moment de l'arrestation, en violation des articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 9(1) du Pacte. En outre, le Gouvernement n'a pas informé rapidement M. Losik des accusations portées contre lui, en violation de l'article 9(2) du Pacte. Enfin, Mr. Losik a passé environ un an en détention provisoire, et comme la possibilité de mesures préventives n'a pas été dûment envisagée, le Groupe de Travail a conclu à une violation de l'article 9(3) du Pacte.
Compte tenu de ces violations, le Groupe de Travail a conclu que l'arrestation et la détention ultérieure de Mr. Losik étaient dépourvues de toute base légale, rendant ainsi sa privation de liberté arbitraire au sens de la catégorie I.
DÉTENU POUR SES ACTIVITÉS JOURNALISTIQUES ET L'EXERCICE PACIFIQUE DE SES DROITS FONDAMENTAUX
L'arrestation et la détention de Mr. Losik résultent uniquement de ses activités journalistiques et de l'exercice pacifique de son droit à la liberté d'expression et d'association, et le Gouvernement de la Biélorussie n'a invoqué aucune des restrictions autorisées à ces droits. Le Groupe de Travail a donc considéré que les droits de Mr. Losik à la liberté d'expression et d'association, consacrés par les articles 19 et 22 du Pacte, avaient été violés.
En outre, le Groupe de Travail a noté que ce cas s'inscrit dans une tendance plus large identifiée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme en ce qui concerne la censure et la détention de centaines de journalistes en Biélorussie après l'élection de 2022.
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail a conclu que la détention de Mr. Losik était arbitraire, relevant de la catégorie II, car elle découlait de l'exercice pacifique de ses droits fondamentaux.
SOUMIS À DES VIOLATIONS FLAGRANTES DE SON DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Le Groupe de Travail a établi que Mr. Losik n'avait pas été jugé par un tribunal indépendant et impartial, en violation du droit que lui confèrent l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 14 du Pacte. Il s'est référé au rapport présenté par le rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme sur la situation en Biélorussie pour cette période, qui souligne que les déficiences institutionnelles et les interférences et pressions à caractère politique sur les tribunaux et le pouvoir judiciaire ont porté atteinte à l'indépendance de la justice et ont eu un impact négatif sur la réalisation du droit à un procès équitable en Biélorussie.
En outre, le Groupe de Travail a constaté que les autorités n'ont pas permis au public et aux médias d'assister au procès de Mr. Losik, l'audience à huis clos constituant une violation de ses droits au titre de l'article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte.
Enfin, le Groupe de Travail s'est dit préoccupé par le fait que la confidentialité des communications de Mr. Losik avec son avocat n'était pas garantie, ce qui va à l'encontre d'une grande partie de l'objectif de l'assistance juridique. Suite à la plainte de la source concernant l'intimidation de l'avocat de Mr. Losik, le Groupe de Travail a conclu que Mr. Losik avait été privé d'une représentation juridique effective, en violation de l'article 14(3)(b) du Pacte.
Pour les raisons susmentionnées, le Groupe de Travail a conclu que les violations du droit de Mr. Losik à un procès équitable étaient d'une gravité telle qu'elles confèraient à sa privation de liberté un caractère arbitraire au sens de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DETENTION ARBITRAIRE
Le Groupe de Travail est troublé par les allégations incontestées concernant la santé et le bien-être de Mr. Losik, et notamment concernant les graves humiliations et nombreux actes arbitraires dont il aurait été victime, y compris des fouilles, des changements constants et inexpliqués de cellule, et des intimidations à l'égard de sa famille. Tous ces actes ont pu exacerber sa détresse, semblent avoir été commis en représailles à son activisme et sont donc incompatibles avec les obligations de la Biélorussie en vertu de l'article 10 du Pacte.
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a considéré que la détention d'Igor Alyaksandravich Losik était arbitraire et relevait des catégories I, II et III car sa privation de liberté était contraire aux articles 3, 9, 10, 19 et 20 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 9, 14, 19 et 22 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a demandé au gouvernement de la Biélorussie de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation d'Igor Alyaksandravich Losik et de la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de Travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, le remède approprié serait de le libérer immédiatement et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
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