La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement de la Chine à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 77/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Halemaimaiti Yiliyasi, Abudureheman Kuerwanjiang, Mevlude Hilal et Paliden Yasheng, en demandant au Gouvernement de la Chine de les libérer immédiatement et sans condition, et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Halemaimaiti Yiliyasi, Abudureheman Kuerwanjiang, Mevlude Hilal et Paliden Yasheng (Chine) : Avis 77/2023.
ARRÊTÉ ARBITRAIREMENT SANS MANDAT, DÉTENU AU SECRET ET SOUMIS À UNE DISPARITION FORCÉE
Halemaimaiti Yiliyasi, Abudureheman Kuerwanjiang et Paliden Yasheng sont des ressortissants Chinois, et Mevlude Hilal est un ressortissant Turc, mais natif de Chine, tous nés entre 1977 et 1989. Avant leur arrestation, ils résidaient dans la Région Autonome Uighur du Xinjiang, où ils exerçaient tous une activité professionnelle différente.
Messieurs Yiliyasi et Kuerwanjiang ont tous deux été arrêtés en mars 2017 à leur domicile respectif par les autorités, puis transférés dans l'un des camps de ré-éducation de la Région Autonome Uighur du Xinjiang. Mme Hilal a été arrêtée une première fois à la fin de l'année 2018 et envoyée dans un camp de rééducation. Elle a été libérée en juin 2019, mais un mois plus tard, en juillet 2019, a été de nouveau arrêtée à son domicile par les autorités et transférée dans un camp de ré-éducation. Quant à Mme Yasheng, elle a été arrêtée en octobre 2016 par la police à son domicile familial. Elle a été transférée dans un centre de détention et libérée après que sa famille a versé 35 000 dollars à la police, ce qui avait été établi comme condition pour sa libération. En avril 2017, Mme Yasheng a été condamnée à dix ans d'emprisonnement sans procès et transférée dans un lieu de détention inconnu.
Au moment de la communication de la source au Groupe de Travail, tous étaient encore détenus. Le Gouvernement a eu la possibilité de contester ces allégations, ce qu'il a fait, mais après le délai fixé, et sa réponse n'a donc pas été acceptée.
Tout d'abord, aucun d'entre eux ne s'est vu présenter un mandat d'arrêt lors de son arrestation et n'a été informé des raisons de son arrestation. Le Groupe de Travail a donc constaté que le droit des détenus d'être rapidement informés des charges retenues contre eux, consacré par l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, avait été violé.
En outre, selon la source, aucune accusation formelle n'a été présentée contre les détenus pour justifier leur arrestation et leur détention. Cependant, le Gouvernement a soutenu que les détenus avaient été condamnés pour avoir troublé l'ordre public et s'être livrés à des activités illégales et criminelles. A cet égard, le Groupe de Travail n'a pas constaté de violation.
La source a également allégué que depuis que les détenus ont été envoyés dans des camps de ré-éducation, ils ont été détenus au secret. De ce fait, ils n'ont pas pu entrer en contact avec leurs familles et leurs avocats. En ce qui concerne spécifiquement Mme Hilal, sa famille a appris qu'elle était détenue dans le camp de Ciliyüzü trois mois après son arrestation. Le Gouvernement n'a fourni aucune information à ce sujet. Par conséquent, le Groupe de Travail a considéré que les quatre individus avaient été détenus au secret et soumis à une disparition forcée, en violation de l'article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Le Groupe de Travail a également établi que dans de telles circonstances, aucun d'entre eux n'avait pu contester la légalité de leur détention devant une autorité judiciaire, en violation de leur droit à être reconnu comme une personne devant la loi, consacré par l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. En outre, compte tenu de l'impossibilité d'accéder à une représentation juridique dans les camps de ré-éducation, le Groupe de Travail a également constaté que leurs droits de contester la légalité de leur détention et de bénéficier d'un procès équitable, garantis par les articles 9, 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, avaient été violés.
Compte tenu de tout ce qui précède, le Groupe de Travail a conclu que l'arrestation et la détention de ces quatre individus étaient dépourvues de base légale, rendant leur privation de liberté arbitraire au titre de la catégorie I.
VIOLATIONS DE LEURS DROITS À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Comme cela a déjà été mentionné, les détenus n'ont pas pu contacter d'avocats, ce que le Gouvernement n'a pas réfuté. Compte tenu du fait que les quatre individus auraient été condamnés pour trouble à l'ordre public, le Groupe de Travail a estimé que le fait de leur refuser l'accès à un avocat constituait une violation de leur droit à l'assistance juridique garanti par l'article 11(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
La source a affirmé que les individus avaient été privés de leur droit à une procédure devant un tribunal indépendant et impartial, ce à quoi le Gouvernement a répondu que leurs droits avaient été respectés. Étant donné que l'on sait très peu de choses sur les poursuites judiciaires engagées contre ces quatre individus, même par le biais de leur propre famille, le Groupe de Travail a estimé que leur droit à un procès public avait effectivement été violé, en vertu des articles 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
La source a également affirmé qu'après son arrestation, Mme Yasheng avait été soumise à la torture pendant deux mois alors qu'elle était détenue dans la ville d'Aksu, et a noté en outre que dans les deux camps de ré-éducation de cette ville, les violences sexuelles, la torture ou la stérilisation forcée étaient fréquentes. La source a ajouté que le fait que les détenus des camps de ré-éducation soient soumis à la torture et à des mauvais traitements est d'ores et déjà établi, ce qui pourrait donc être le cas de ces quatre individus. Le Groupe de Travail a rappelé que la détention au secret risque de conduire à des violations de la Convention Contre la Torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toutefois, le Groupe de Travail a constaté que la source n'a pas fourni d'informations spécifiques permettant d'établir un lien entre les actes de torture et les violations du droit à un procès équitable. Par conséquent, le Groupe de Travail a refusé de donner un avis ou une conclusion à ce sujet.
Dans l'ensemble, le Groupe de Travail a donc estimé que les violations du droit à un procès équitable de ces quatre individus étaient d'une gravité telle qu'elles rendaient leur détention arbitraire au titre de la catégorie III.
DISCRIMINATION FONDÉE SUR LEUR APPARTENANCE ETHNIQUE
Enfin, le Groupe de Travail a rappelé ses conclusions précédentes concernant la persécution par la Chine de la communauté ethnique Uighur, y compris les cas où des citoyens Uighurs avaient été transférés dans des camps de ré-éducation. Compte tenu de l'allégation non réfutée de la source selon laquelle ces quatre individus ont été ciblés en raison de leur appartenance ethnique, le Groupe de Travail a conclu que leur détention avait été effectuée sur une base discriminatoire, à savoir en raison de leur appartenance à l'ethnie Ouïgoure. À ce titre, le Groupe de Travail a établi que leur droit à l'égalité devant la loi et à la protection égale par celle-ci sans discrimination, protégé par l'article 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, avait été violé.
Par conséquent, compte tenu de ce qui précède, le Groupe de Travail a jugé arbitraire la détention de ces quatre individus en vertu de l'article V.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
A la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a considéré que la détention de Halemaimaiti Yiliyasi, Abudureheman Kuerwanjiang, Mevlude Hilal et Paliden Yasheng était arbitraire et relevait des catégories I, III et V car leur privation de Liberté était en violation des articles 6, 7, 9, 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Le Groupe de Travail a recommandé au Gouvernement chinois de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de Halemaimaiti Yiliyasi, Abudureheman Kuerwanjiang, Mevlude Hilal et Paliden Yasheng et de la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de Travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la solution appropriée serait de les libérer immédiatement et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
Compte tenu des violations du droit international commises en Chine au cours des 30 dernières années, le Groupe de Travail accueillerait favorablement l'opportunité d'effectuer une visite en Chine, en particulier en raison des violations continues du droit international à l'égard des citoyens Ouïghours. À cet égard, le Groupe de Travail a rappelé que, dans certaines circonstances, l'emprisonnement généralisé ou systématique ou toute autre privation sévère de liberté en violation des règles du droit international peuvent constituer des crimes contre l'humanité.
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