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FÉDÉRATION DE RUSSIE : DÉTENTION ARBITRAIRE DU JOURNALISTE AMÉRICAIN EVAN GERSHKOVICH

La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement de la Fédération de Russie de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°11/2024 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Evan Gershkovich, en demandant au Gouvernement Russe de le libérer immédiatement et inconditionnellement ainsi que de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Evan Gershkovich (Fédération de Russie): Opinion 11/2024.


DÉTENU SANS BASE LÉGALE


Evan Gershkovich, ressortissant américain né en 1991, est un journaliste qui a travaillé pour plusieurs chaînes d'information. Il effectuait des reportages sur la Fédération de Russie depuis près de six ans, couvrant des évènements d'une importance vitale pour le public. Avant son arrestation, Mr. Gershkovich travaillait en tant que correspondant étranger pour le Wall Street Journal, se concentrant notamment sur le conflit armé entre la Fédération de Russie et l'Ukraine.


Le 29 Mars 2023, Mr. Gershkovich a été arrêté par le Service Fédéral de Sécurité de la Fédération de Russie peu après son arrivée à Ekaterinbourg. Selon le Service Fédéral de Sécurité, son arrestation et sa détention étaient fondées sur une prétendue violation de l'article 276 du Code Pénal du pays, alléguant des activités d'espionnage "à la demande de la partie américaine". Selon la source, les autorités n'ont fourni aucune justification factuelle ou juridique à ces accusations. Il a ensuite été transféré à Moscou, où il a été détenu à la Prison de Lefertovo.


Mr. Gershkovich a été informé de ces charges le 30 mars 2023. Depuis lors, et au moins jusqu'au moment de la communication de la source au Groupe de Travail, sa détention provisoire avait été prolongée à deux reprises par les autorités Russes. S'il est reconnu coupable en vertu de l'article 276, Mr. Gershkovich risque entre 10 et 20 ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire de la Fédération de Russie.


Bien que le Gouvernement Russe ait eu la possibilité de répondre à ces allégations, il a choisi de ne pas le faire.


Tout d'abord, les accusations d'espionnage ont été utilisées contre Mr. Gershkovich comme un moyen de pénaliser son travail journalistique, surtout compte tenu du manque de preuves substantielles justifiant ces accusations. Par ailleurs, la source a souligné que cette affaire devait être considérée dans le contexte plus large de la répression exercée dans le pays contre les journalistes et les opinions dissidentes, notamment en relation avec le conflit armé en Ukraine. Cette répression s'est notamment materialisée par l'élargissement de l'article 276 du Code Pénal en juillet 2022 afin d'inclure pratiquement toute information sensible mais véridique concernant ce conflit armé. Compte tenu de ce qui précède, le Groupe de Travail a exprimé sa préoccupation quant à l'utilisation de la disposition susmentionnée pour punir ceux qui s'engagent dans un travail journalistique légitime, et a constaté que c'est ce qui s'était passé dans le cas de Mr. Gershkovich.


En outre, Mr. Gershkovich a été placé en détention provisoire depuis son arrestation le 29 mars 2022. Au moment de la communication de la source, cela faisait plus de 250 jours que Mr. Gershkovich était en détention. Dans ces conditions, le Groupe de Travail a rappelé qu'en vertu de l'article 9 (3) du Pacte, les détentions provisoires doivent être exceptionnelles et ne durer que le moins longtemps possible. Le Groupe de Travail a donc estimé que cet article avait été violé dans le cas de Mr. Gershkovich.


Dans l'ensemble, le Groupe de Travail a estimé qu'il n'y avait aucune base légale justifiant l'arrestation et la détention de Mr. Gershkovich, rendant ainsi ces mesures arbitraires au titre de la catégorie I.


VIOLATION DE SON DROIT À LA LIBERTÉÉD'EXPRESSION


Comme mentionné précédemment, Mr. Gershkovich a été arrêté dans le cadre de son travail légitime de journaliste. En d'autres termes, sa détention résulte de l'exercice de son droit à la liberté d'expression, protégé par l'article 19 du Pacte et l'article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Bien que la liberté d'expression puisse être restreinte si cela est nécessaire pour protéger la sécurité nationale ou l'ordre public, le Gouvernement n'a pas démontré que l'arrestation de Mr. Gershkovich était nécessaire et proportionnée. Par conséquent, le Groupe de Travail a estimé que la détention de Mr. Gershkovich était arbitraire au titre de la catégorie II, car elle résultait de l'exercice de son droit à la liberté d'expression, violant ainsi les dispositions susmentionnées.


VIOLATION DE SON DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE


De plus, la Fédération de Russie a violé le droit de Mr. Gershkovich à un procès équitable sur plusieurs fronts. Dès son arrestation, l'affaire de Mr. Gershkovich a été entourée de secret, tant sur le fond que sur la forme. Les procédures judiciaires ont été menées à huis clos, avec un accès limité aux audiences et les justifications factuelles ou juridiques des décisions prises n'ont pas été divulguées. Le Groupe de Travail a donc estimé que le droit de Mr. Gershkovich à une audience publique, garanti par l'article 14 (1) du Pacte et l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, avait été violé.


La source a affirmé que les procédures judiciaires engagées contre Mr. Gershkovich étaient fortement influencées par le pouvoir exécutif et le Service Fédérale de Sécurité. Compte tenu de ces éléments et de l'absence de réponse du Gouvernement, le Groupe de Travail a estimé que le droit de Mr. Gershkovich d'être entendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, comme protégé par l'article 14 (1) du Pacte et l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, avait également été violé.


En outre, des déclarations publiques sur la culpabilité supposée de Mr. Gershkovich ont été faites par des représentants du Gouvernement. De plus, lors des comparutions devant le tribunal, Mr. Gershkovich a été traité d'une manière qui a contribué à le présenter comme un risque de sécurité important (par exemple, en étant confiné dans une cage). Compte tenu de ces éléments, le Groupe de Travail a estimé que le Gouvernement de la Fédération de Russie avait violé le droit de Mr. Gershkovich à la présomption d'innocence jusqu'à ce que sa culpabilité soit prouvée, tel qu'il est consacré par l'article 14 (2) du Pacte ainsi que par l'article 11 (1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Mr. Gershkovich a également été empêché d'engager un avocat de son choix pour sa mise en accusation le 30 mars 2023, et a été contraint de procéder contre son gré avec un avocat russe désigné par le tribunal. Plus tard, il a été autorisé à choisir son avocat russe, mais aucun d'eux n'a été autorisé à divulguer des informations sur l'affaire à son avocat américain, ce qui a empêché son équipe juridique de le conseiller correctement. Par conséquent, le Groupe de Travail a établi que la Fédération de Russie avait violé le droit de Mr. Gershkovich à un conseil juridique, garanti par l'article 14 (3) du Pacte.


Enfin, bien qu'une visite entre Mr. Gershkovich et l'ambassadeur des États-Unis ait été autorisée dans un premier temps, les autres tentatives pour obtenir un accès consulaire pour Mr. Gershkovich ont été largement infructueuses. Le Groupe de Travail a rappelé l'importance de l'assistance consulaire pour les détenus étrangers et a constaté que dans ce cas, les droits de Mr. Gershkovich à l'assistance consulaire avaient été restreints sans raison suffisante. Le Groupe de Travail a conclu que cela avait aggravé les autres violations du droit à un procès équitable commises à son encontre.


En conséquence, le Groupe de Travail a estimé que les multiples violations de son droit à un procès équitable et à une procédure régulière, y compris ses droits à l'assistance consulaire, avaient rendu sa détention arbitraire au titre de la catégorie III.


DETENU EN RAISON DE SA NATIONALITÉ AMÉRICAINE


Le Groupe de Travail a estimé que la nationalité de Mr. Gershkovich était un facteur de sa détention et que celle-ci était ainsi discriminatoire. Cela a violé ses droits à l'égalité devant la loi et l'égale protection de la loi, protégés par l'article 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et l'article 26 du Pacte. Le traitement discriminatoire a contribué à priver Mr. Gershkovich de ses autres droits et a donc été contraire à l'article 2 (1) du Pacte, tel que reflété à l'article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Le Groupe de Travail a donc considéré que la détention de Mr. Gershkovich était arbitraire au sens de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a estimé que la détention d'Evan Gershkovich était arbitraire et relevait des catégories I, II, III et V car sa privation de liberté était contraire aux articles 2, 7, 10, 11 et 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ainsi qu'aux articles 2, 9, 14, 19 et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de Travail a recommandé au Gouvernement de la Fédération de Russie à prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation d'Evan Gershkovich et de la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de Travail a estimé que la solution appropriée serait de le libérer immédiatement et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et d'autres réparations, en vertu du droit international.


Le Groupe de Travail a demandé instamment au Gouvernement de la Fédération de Russie de veiller à ce qu'une enquête complète et indépendante soit menée sur les circonstances entourant la privation arbitraire de liberté d'Evan Gershkovich et de prendre des mesures appropriées à l'encontre des personnes responsables de la violation de ses droits. En outre, le Groupe de Travail a demandé au Gouvernement de la Fédération de Russie de mettre ses lois et en particulier l'article 276 de son Code Pénal, en conformité avec le droit international relatif aux Droits de l'homme.

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