La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement Irakien à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 5/2022 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei, en commençant par sa libération immédiate et en lui accordant un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations.
Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei (Irak) : Opinion 5/2022.
ARRÊTÉ ET DÉTENU AU SECRET DEPUIS PLUS D'UN AN SANS AUCUNE BASE LÉGALE
M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei, né en 1997, est un citoyen Irakien. Au moment de son arrestation, il était collégien. Il réside habituellement à l'est de Mossoul, dans la province de Niniveh. M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei n'a pas reçu de mandat d'arrêt lors de son arrestation, il n'a pas eu accès immédiatement à un avocat et n'a pas été autorisé à informer rapidement sa famille de son arrestation et de sa détention, en violation de l'article 9 (1) et (2) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei a été présenté au juge d'instruction pour la première fois 14 jours après son arrestation. Dans ces conditions, le Groupe de Travail a considéré qu'en violation de l'article 9(3) du Pacte, M. Al-Taei n'avait pas été présenté rapidement à un juge pendant sa détention provisoire, c'est-à-dire dans les 48 heures suivant son arrestation, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles. Ainsi, il n'a pas bénéficié du droit de saisir un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention conformément aux articles 8 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et aux articles 2 (3) et 9 (4) du Pacte.
De plus, M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei a été soumis à une disparition forcée et détenu au secret pendant près d'un an. En ce qui concerne sa disparition forcée, sa famille n'a appris où il se trouvait que par des connaissances qui rendaient visite à leur propre fils à la prison d'Al-Nasiriyah où M. Al-Taei avait été transféré pour purger sa peine. Le Groupe de Travail a rappelé que la disparition forcée constitue une forme particulièrement aggravée de détention arbitraire, en violation de l'article 9 (1) du Pacte et de l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. En ce qui concerne la détention au secret de M. Al-Taei, comme l'ont indiqué le Groupe de Travail et d'autres mécanismes de protection des Droits de l'Homme, le fait de détenir des personnes au secret viole leur droit à contester la légalité de leur détention devant un tribunal en vertu de l'article 9 (3) et (4) du Pacte. En outre, la détention au secret, en particulier au début d'une enquête, est un environnement propice à la torture et aux traitements cruels et inhumains, car elle peut être utilisée pour contraindre l'individu à avouer la commission de crimes allégués et à reconnaître sa culpabilité.
Pour ces raisons, le Groupe de Travail a estimé que le Gouvernement n'avait pas établi de base légale pour l'arrestation et la détention de M. Al-Taei, rendant donc sa détention arbitraire au titre de la catégorie I.
CONDAMNÉ À MORT SUR LA BASE D'UNE LOI ANTI-TERRORISTE VAGUE ET TROP LARGE APRÈS AVOIR ÉTÉ TORTURÉ POUR OBTENIR UNE CONFESSION
Le Groupe de Travail a noté que M. Al-Taei a été condamné à mort sur la base des articles 2 (1), (3) et (5) de la Loi anti-terroriste. Le Groupe de Travail a rappelé que selon l'ancien Rapporteur Spécial sur les Exécutions Extrajudiciaires, Sommaires ou Arbitraires, la Loi Anti-Terroriste elle-même est à la fois vague et trop large, et sa définition du terrorisme n'est pas conforme à la Convention Internationale pour la Répression du Financement du Terrorisme que l'Irak a ratifiée en 2012. Le Groupe de Travail a pris en compte ces arguments et a renvoyé l'affaire au Rapporteur spécial sur la Promotion et la Protection des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales dans la Lutte contre le Terrorisme, pour que des mesures appropriées puissent être prises.
Le Groupe de Travail a noté avec de vives inquiétudes que, durant les deux premières semaines de sa détention, M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei aurait été soumis à des formes sévères de torture et de mauvais traitements. Il aurait été sévèrement battu, y compris au visage, et suspendu au plafond de la pièce pendant plusieurs heures. Les auteurs des faits auraient également menacé d’amener ses proches à la prison pour les soumettre à des mauvais traitements. M. Al-Taei aurait également été privé de nourriture et d'eau en quantité suffisantes.
De plus, le Groupe de Travail a également indiqué que M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei aurait été contraint de signer six feuilles de papier vierges, et qu'après l’avoir fait, les auteurs auraient noté des déclarations sur ces pages. Ces dernières auraient ensuite été utilisées contre lui lors des procédures judiciaires. En conséquence, le Groupe de Travail a conclu que le droit de M. Al-Taei de ne pas être contraint à avouer sa culpabilité en vertu de l’article 14 (3) (g) du Pacte et de l’article 11 (1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme avait été violé, et a renvoyé l'affaire de M. Al-Taei au Rapporteur Spécial sur la Torture et Autres Traitements ou Peines Cruels, Inhumains ou Dégradants, pour que des mesures appropriées soient prises.
JUGÉ EN VIOLATION DE SON DROIT À PRÉSENTER UNE DÉFENSE ET À UN PROCÈS ÉQUITABLE
M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei n'a pas eu un accès rapide à un avocat de son choix, ni pu communiquer de manière confidentielle avec son avocat commis d'office avant et pendant son procès pour préparer sa défense. Selon le Groupe de Travail, le Gouvernement n'a pas respecté le droit de M. Al-Taei à une assistance juridique à tout moment, ce qui est inhérent au droit à la liberté et à la sécurité de la personne, ainsi qu'au droit à un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, conformément aux articles 3, 9, 10 et 11 (1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et à l'article 14 (1) du Pacte.
De plus, étant donné que M. Al-Taei fait face à la peine de mort, ces violations sont aggravées, étant donné que pour les affaires impliquant la peine de mort, l'assistance efficace du détenu par un avocat à toutes les étapes du procès est primordiale. Cependant, l'avocat de M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed Al-Taei n'a pas eu accès à son dossier ou aux preuves cruciales fournies par un informateur secret, et n'a pas pu présenter ni contester les preuves, ni contre-interroger les témoins. Le Groupe de Travail a noté que le recours à des informations fournies par un informateur secret, sans permettre à la défense de contester les preuves, violait le principe de l'égalité des armes en vertu des articles 14 (1) et (3) (e) du Pacte, et compromettait considérablement la capacité de M. Al-Taei à se défendre dans toute procédure judiciaire ultérieure.
De plus, le Groupe de Travail a noté avec une grave préoccupation la soumission de la source selon laquelle, lorsque M. Al-Taei a été présenté pour la première fois devant le juge d'instruction le 14 septembre 2017, le juge l'a insulté et prétendument frappé avec un cendrier. Le Groupe de Travail a conclu que cette agression alléguée constitue une violation flagrante du droit de M. Al-Taei à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial en vertu de l'article 14 (1) du Pacte. De plus, ce manque d'indépendance a été aggravé par le lien entre l'informateur secret qui avait porté des accusations contre M. Al-Taei et l'assistant judiciaire du Ministère de la Justice, qui était non seulement connu de la famille de M. Al-Taei, mais avait également un litige foncier avec elle. Ces circonstances suggèrent des violations de la procédure régulière concernant l'initiation et la conduite de l'affaire de M. Al-Taei, qui semblaient motivées par un désaccord entre les familles. En tenant compte de ces facteurs, le Groupe de Travail a conclu que M. Al-Taei n'a pas été jugé devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, en violation de l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et de l'article 14 (1) du Pacte, et a renvoyé cette affaire au Rapporteur Spécial sur l'Indépendance des Juges et des Avocats, pour que des mesures appropriées soient prises.
Ainsi, le Groupe de Travail a conclu que les violations du droit à un procès équitable et à la procédure régulière étaient d'une gravité telle qu'elles conféraient à la privation de liberté de M. Al-Taei un caractère arbitraire qui relevait de la catégorie III.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire considère que la détention de M. Abdullah Ahmed Faleh Ahmed al-Taei était arbitraire et relevait des catégories I et III, car en contravention des articles 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 2, 9, 10, 14 et 16 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.
Le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a recommandé au Gouvernement Irakien de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier à la situation de M. Al-Taei et l'amener en conformité avec les normes internationales pertinentes, en commençant par sa libération immédiate et en lui accordant un droit exécutoire à réparation et autres réparations.
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