La Ligue internationale contre la détention arbitraire exhorte le gouvernement chinois à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 6/2023 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Naghmat Hamit, Tajinisa Yimin et Dilixiati Wulibaiyi, en demandant au gouvernement chinois de les libérer immédiatement et sans condition et de leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du WGAD concernant Naghmat Hamit, Tajinisa Yimin et Dilixiati Wulibaiyi (Chine) : Avis n° 6/2023
DISPARITION FORCÉE DE TROIS INDIVIDUS DE LA MINORITÉ OUIGHOUR DU XINJIANG
M. Hamit, Mme Yimin et M. Wulibaiyi sont trois personnes originaires de Chine, tous appartenant à la minorité ouïghoure de la région autonome ouïghoure du Xinjiang en Chine.
Le Groupe de travail a constaté qu'ils avaient fait l'objet d'une disparition forcée étant donné qu'ils ont été arrêtés par des agents de l'État et que leur sort et le lieu de leur détention ont été dissimulés à leur famille, les plaçant ainsi hors de la protection de la loi. En effet, avant le dépôt de la plainte devant le Groupe de travail, le lieu exact où se trouvaient chacun de ces trois détenus depuis leurs arrestations respectives était inconnu, laissant planer le doute auprès de leur famille qu'ils aient été détenus dans un camp de rééducation. Ce n'est que dans sa réponse tardive à la plainte déposée au nom des détenus devant le Groupe de travail que le gouvernement chinois a déclaré que M. Hamit se trouve dans la prison de Wusu et M. Wulibaiyi dans la prison de Xinyuan. Le gouvernement chinois n'a toutefois pas précisé où se trouve Mme Yimin, bien qu'il n'a pas contesté le fait qu'elle était actuellement sous la garde des autorités chinoises.
Le Groupe de travail a rappelé que la disparition forcée constitue une violation des règles du droit international, absolument interdite par le droit international, constituant une forme particulièrement aggravée de détention arbitraire. La prohibition de la pratique des disparitions forcées vise à garantir notamment le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique, le droit à la liberté et la sécurité de la personne et le droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En conséquence, le Groupe de travail a conclu que la détention de M. Hamit, Mme Yimin et M. Wulibaiyi constituait une violation des articles 3, 6, 8 et 9 de la Déclaration universelle, et que leur détention n'avait donc aucun fondement légal et était donc arbitraire au sens de la catégorie I.
DÉTENUS SUR LA BASE D'ACCUSATIONS D'AIDE ET DE PARTICIPATION À DES ACTIVITÉS TERRORISTES
Dans sa réponse tardive, le gouvernement a confirmé que M. Hamit a été arrêté le 13 septembre 2017 parce qu'il était soupçonné de complicité avec des activités terroristes. Selon le gouvernement, il a été condamné en avril 2018 à 19 ans et 10 mois d’emprisonnement par le tribunal populaire municipal de Yining et il purge actuellement cette peine dans la prison de Wusu.
En ce qui concerne Mme Yimin, la police l'a arrêtée début 2021 sans mandat d'arrêt ni explication des raisons de son arrestation. Dans sa réponse tardive, le gouvernement fait valoir que Mme Yimin est détenue depuis le 25 juillet 2021 pour participation à une organisation terroriste. Selon le gouvernement, l'affaire est actuellement en cours d'examen judiciaire. Cependant, le Gouvernement n’a fourni aucune information sur le lieu où elle se trouve actuellement.
M. Wulibaiyi a été arrêté le 6 mars 2018 par les autorités, qui n'ont ni fourni de motif pour son arrestation ni présenté de mandat d'arrêt. Dans sa réponse tardive, le gouvernement indique que M. Wulibaiyi a été condamné à 15 ans de prison le 8 avril 2018 et purge actuellement sa peine à Xinyuan, pour crime de complicité d' activités terroristes.
Dans ces circonstances, le Groupe de travail a noté que la Chine avait confirmé que M. Hamit, Mme Yimin et M. Wulibaiyi étaient sous la garde des autorités et qu'ils avaient tous été inculpés d'infractions de terrorisme et d'extrémisme, mais a regretté que la Chine n'ait fourni aucun détail concernant les activités criminelles présumées qui ont donné lieu aux accusations et aux procès. Le Groupe de travail a également exprimé ses regrets quant à l'absence de coopération constructive du Gouvernement à fournir des réponses aux allégations concernant la détention de personnes dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
POLITIQUE DE DÉTENTION ARBITRAIRE DISCRIMINATOIRE DE MASSE VISANT LES OUIGHURS
Le Groupe de travail a rappelé l'incapacité persistante des autorités à fournir des informations sur la détention de personnes appartenant à la minorité ouïghoure et la quasi-impossibilité pour les membres de la famille ou d'autres personnes de connaître le sort des détenus. En outre, le Groupe de travail a souligné que de nombreux rapports démontrent une pratique systémique de détention arbitraire massive de Ouïghours dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
Dans ces circonstances, notant l'opacité totale de la procédure engagée contre les trois individus, ainsi que l'absence de clarification du Gouvernement concernant le déroulement du procès, le Groupe de travail considère que le droit à un procès équitable et public des trois individus a été totalement ignorée. Dans le cas présent, l’absence de toute information concernant les accusations et les procès de M. Hamit, Mme Yimin et M. Wulibaiyi, arrêtés il y a des années, est impossible à concilier avec les garanties les plus élémentaires d’un procès équitable.
Notant tout ce qui précède, le Groupe de travail a conclu que leur détention violait les articles 6, 8, 10 et 11 (1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme et qu'elle était donc arbitraire et relevait de la catégorie III. En outre, le Groupe de travail a constaté que M. Hamit, Mme Yimin et M. Wulibaiyi avaient été arrêtés et restaient détenus en raison de leur appartenance à la minorité ouïghoure et de leur foi musulmane, en violation des articles 2, 7 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et est donc également arbitraire au sens de la catégorie V.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Naghmat Hamit, Tajinisa Yimin et Dilixiati Wulibaiyi était arbitraire et relevait des catégories I, III et V parce que leur privation de liberté était contraire aux articles 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10 et 11 (1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
Le Groupe de travail a recommandé au gouvernement chinois de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier à la situation de M. Hamit, Mme Yimin et M. Wulibaiyi et la rendre conforme aux normes internationales pertinentes, en commençant par leur libération immédiate et leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations.
Nb : Au cours de ses 30 années d'existence, le Groupe de travail a constaté que la Chine avait violé ses obligations internationales en matière de droits de l'homme dans plus de 90 cas, ce qui indique un problème systémique de détention arbitraire en Chine qui peut constituer un crime contre l'humanité.
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