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MAROC : DÉTENTION ARBITRAIRE DU MILITANT POLITIQUE NASSER ZEFZAFI

ILAAD

La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le gouvernement du Maroc à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l’Avis No. 43/2024 du Groupe de travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Nasser Zefzafi, en commençant par la libération immédiate et inconditionnelle de M. Zefzafi et en lui accordant un droit exécutoire à compensation et autres réparations conformément au droit international.


Lisez l’avis complet du GTDA concernant Nasser Zefzafi (Maroc) : Avis No. 43/2024.


DÉTENTION D’UN DIRIGEANT DU MOUVEMENT DU HIRAK DU RIF


Nasser Zefzafi est un citoyen marocain né en 1979 et résidant habituellement à Al Hoceima. Il est un dirigeant du mouvement du Hirak du Rif, un mouvement réclamant plus de droits sociaux et économiques pour les habitants de la région du Rif.


En 2016 et 2017, ce mouvement a mené à de nombreuses manifestations, principalement à Al Hoceima et ses environs. Dans ce contexte, le 26 mai 2017, M. Zefzafi aurait interrompu le sermon d’un imam d’Al Hoceima critiquant les manifestations, avant d’être violemment arrêté par des policiers, le 29 mai 2017. Maintenu en garde à vue du 29 mai au 5 juin à Casablanca pour « suspicion d’actes portant atteinte à la sécurité intérieure de l’État », il a comparu devant le Procureur du Roi de la cour d’appel de Casablanca le 5 juin, et plusieurs accusations ont été portées contre lui, en vertu des articles 129, 201, 206, 221, 263, 265, 267, 300 à 302 et 304 du Code pénal et des articles 9, 14 et 29 de la loi relative aux rassemblements publics de 1958.


En  juin 2018, il a été condamné en première instance à vingt ans de prison après un procès réunissant 54 accusés ayant participé aux manifestations du Hirak du Rif. Cette condamnation a été confirmée en appel le 6 avril 2019 et en cassation le 23 juin 2021. La santé de M. Zefzafi se serait dégradée lors de sa détention, considérant les conditions de détention critiquées au Maroc.


Le gouvernement marocain a eu l’occasion de répondre aux allégations de la source, ce qu’il a fait le 29 mai 2024.


ARRÊTÉ SANS MANDAT ET DÉTENU SANS PRÉSENTATION PROMPTE DEVANT UN JUGE


Concernant l’arrestation de M. Zefzafi, la source a affirmé que les policiers n’avaient pas présenté de mandat, alors que le gouvernement a expliqué qu’un mandat avait été émis et que l’arrestation était conforme aux normes internationales. Le Groupe de travail a considéré que, même si un mandat avait été émis, il n’avait pas été présenté à M. Zefzafi, contrairement à l’article 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et à l’article 9 du Pacte.

 

Ensuite, la source a allégué que M. Zefzafi avait été détenu au secret durant sept des huit jours de sa garde à vue, mais le gouvernement a répondu qu’un membre de sa famille avait été informé du lieu de sa détention. Le Groupe de travail n’a donc pas conclu à une disparition forcée. Toutefois, il a estimé qu’en ne présentant pas M. Zefzafi devant un juge pendant une semaine, le Gouvernement avait violé l’article 9 (3) du Pacte.


Ainsi, le Groupe de travail a conclu que l’arrestation et la détention de M. Zefzafi étaient arbitraires au titre de la catégorie I, en ce qu’elles violaient les articles 3 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme et l’article 9 du Pacte.

 

DÉTENU POUR AVOIR EXERCÉ SES LIBERTÉS FONDAMENTALES


Selon la source, M. Zefzafi est détenu pour avoir exercé ses droits à la liberté d’expression et d’opinion, à la liberté de réunion pacifique et d’association, et ceux liés au statut de minorité du peuple amazigh. Le Gouvernement s’est opposé à ces allégations et a répondu que M. Zefzafi était accusé conformément au droit national et pour des actes ne relevant pas des droits précédemment cités.


Le Groupe de travail a estimé qu’aucun des actes attribués à M. Zefzafi ne constituait des actes de violence ou des appels à la violence exclus du champ de la liberté d’expression et d’opinion. De ce fait,  le Groupe de travail a affirmé que M. Zefzafi avait été arrêté en raison de ses expressions et opinions en violation de l’article 19 du Pacte et de l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


Concernant les affirmations de la source sur la formulation vague des articles du code pénal sur lesquels sont fondés la détention de  M. Zefzafi, le Groupe de travail s’est dit préoccupé par la généralité de ces articles pouvant permettre un recours abusif par les autorités.


Finalement, le Groupe de travail a considéré que la détention de M. Zefzafi était liée à sa participation à des manifestations contre les politiques gouvernementales et à ses relations avec des membres de la diaspora du Rif, en violation de ses libertés de réunion pacifique et d’association. De plus, le Groupe de travail a estimé que M. Zefzafi était détenu pour des actes de plaidoyer en faveur des droits du peuple amazigh, des actes protégés par l’article 27 du Pacte et l’article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


Par conséquent, le Groupe de travail a conclu que la privation de liberté de M. Zefzafi était arbitraire et relevait de la catégorie II, car elle violait les articles 19, 21, 22 et 27 du Pacte et les articles 19, 20 et 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


PRIVÉ D’ASSISTANCE JURIDIQUE ET  VICTIME DE TORTURE ET DE MAUVAIS TRAITEMENTS


À la lumière de ses conclusions précédentes dans la catégorie II, le Groupe de travail a noté qu'aucun procès n'aurait dû avoir lieu. Cependant, un procès a eu lieu, et M. Zefzafi a été condamné à vingt ans de prison.


La source a allégué que M. Zefzafi n’avait pas eu de contact avec un avocat avant le 3 juin 2017, et avait donc été interrogé sans la présence de celui-ci. Sans réponse du Gouvernement à cette allégation, le Groupe de travail a estimé que, contrairement aux garanties prévues par l’article 14(3)(b) et (3)(d) du Pacte, M. Zefzafi avait été privé d’une assistance juridique depuis son arrestation jusqu’au 3 juin. La violation du droit de M. Zefzafi à un procès équitable a été aggravée par l’impossibilité de voir sa famille avant le 12 juin.


Aussi, selon la source, M. Zefzafi aurait subi des actes de torture et de mauvais traitements. Le Gouvernement, bien qu’ayant reconnu les blessures subies par M. Zefzafi lors de son arrestation, a toutefois écarté les autres allégations de torture et de mauvais traitements, les jugeant non-étayées. Le Groupe de travail a estimé que le Gouvernement n’avait pas démontré qu’il avait pris les mesures suffisantes pour enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements de M. Zefzafi et sur l’utilisation lors des poursuites de témoignages obtenus par ces moyens, en violation du droit à un procès équitable.


Ensuite, même s’il a été jugé dans le cadre d’un procès collectif, le Groupe de travail n’a pas pu conclure que le cas de M. Zefzafi n’avait pas fait l’objet d’une évaluation individuelle. De plus, le Groupe de travail a estimé ne pas être en mesure de conclure que les conditions et le déroulement du procès avaient entraîné une violation du droit de M. Zefzafi à un procès équitable. Toutefois, le Groupe de travail s’est dit préoccupé par la durée de la peine infligée à M. Zefzafi, considérant ses conclusions au titre de la catégorie II, et sur son effet dissuasif à l’exercice de droits protégés par le droit international.


À la lumière de ces éléments, le Groupe de travail a conclu que les violations du droit

de M. Zefzafi à un procès équitable sont d’une gravité telle qu’elles rendent sa détention

arbitraire au titre de la catégorie III.


DISCRIMINÉ POUR SON APPARTENANCE À LA COMMUNAUTÉ AMAZIGHE ET SES OPINIONS POLITIQUES


Les manifestations du Hirak du Rif ayant résulté des discriminations subies par la communauté amazighe du Rif, la source a affirmé que M. Zefzafi avait été arrêté et détenu sur la base de discriminations fondées sur son appartenance à la communauté amazighe et ses opinions politiques. Compte tenu d’un de ses précédents avis sur la détention arbitraire d’un partisan du Hirak par le Maroc, le Groupe de travail a estimé que la détention de M. Zefzafi s’inscrivait dans le cadre plus large de pratiques ciblant les militants de la communauté amazigh, et qu’elle violait donc les articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les articles 2 (1) et 26 du Pacte.


Par conséquent, sa détention était arbitraire au titre de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a considéré que la privation de liberté de Nasser Zefzafi était arbitraire et relevait des catégories I, II, III et V car elle était contraire aux articles 2, 3, 7, 9, 10, 11, 19, 20 et 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et aux articles 2, 9, 14, 19, 21, 22, 26 et 27 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a recommandé que le gouvernement du Maroc prenne les mesures nécessaires pour remédier à la situation de M. Zefzafi sans délai et la mette en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la réparation appropriée serait de le libérer immédiatement et de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.

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