La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 3/2022 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Freeman Mbowe, en commençant par sa libération immédiate et en lui accordant un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant M. Freeman Mbowe (République-Unie de Tanzanie) : Opinion No. 3/2022.
ARRÊTÉ ET DÉTENU D'OFFICE SANS AUCUNE BASE LÉGALE
Le Groupe de Travail a constaté que Mr. Freeman Mbowe avait été arrêté le 21 juillet 2021 sans mandat d’arrêt et sans avoir été informé de la raison de son arrestation, d'une manière incompatible avec les lois nationales de la République-Unie de Tanzanie, en violation des articles 3 et 9 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et de l'article 9 (1) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Mr. Freeman Mbowe a été accusé de conspiration en vue de commettre des actes terroristes et de financer indirectement des actes terroristes, conformément à l'article 4 (1) et (3) (i)(i), article 27 (c) et article 13 de la Loi Anti-Terroriste N°21 de 2002, lus conjointement avec les articles 57 (1) et 60 (2) de la Loi sur la délinquance économique et à la criminalité organisée. Ces infractions ne donnant pas droit à une mise en liberté sous caution, Mr. Mbowe devait rester en détention dans l'attente de comparutions ultérieures devant un tribunal.
Le Groupe de Travail a estimé que la détention automatique de Mr. Freeman Mbowe, sans détermination individuelle du risque de fuite, d'interférence avec les preuves ou de récidive, et sans prise en compte d'alternatives moins intrusives telles que la libération sous caution, les bracelets électroniques ou d'autres conditions, conformément au principe de nécessité et de proportionnalité, rendait la détention de Mr. Freeman Mbowe dépourvue de base légale.
DÉTENU AU SECRET ET SOUSTRAIT À LA PROTECTION DE LA LOI
Mr. Freeman Mbowe a été détenu au secret pendant cinq jours après son arrestation, entre le 21 et le 26 juillet 2021, sans avoir accès à sa famille ou à un représentant légal.
Le Groupe de Travail a rappelé que la détention au secret constitue une violation du droit d'une personne d'être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi, conformément à l'article 9(3) du Pacte, et de contester la légalité de sa détention devant un tribunal, conformément à l'article 9(4) du même Pacte. Le contrôle judiciaire de la détention est une garantie fondamentale de la liberté individuelle et est essentiel pour s'assurer que la détention repose sur une base légale. Le Groupe de Travail a constaté que Mr. Freeman Mbowe s'était vu refuser ces droits et qu'il avait été détenu en dehors de la protection de la loi pendant les cinq premiers jours de sa détention, en violation de l'article 6 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et de l'article 26 du Pacte.
ARRÊTÉ ET DÉTENU EN RAISON DE L'EXERCICE DE SON DROIT À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION, DE RÉUNION ET DE PARTICIPATION AUX AFFAIRES PUBLIQUES.
L'arrestation de Mr. Freeman Mbowe en juillet 2021 a eu lieu discussions accrues parmi les citoyens tanzaniens concernant la réforme constitutionnelle, et fut le résultat de sa défense d’une telle réforme en tant que dirigeant du Chadema. La veille de l'arrestation de Mr. Freeman Mbowe, les autorités tanzaniennes ont interdit tout rassemblement inutile en raison de la pandémie de COVID-19, dans une tentative calculée de contrecarrer les réunions de l'opposition.
Le Groupe de Travail a estimé que le comportement de Mr. Freeman Mbowe relevait du droit à la liberté d'opinion et d'expression, du droit de prendre part à la direction des affaires publiques, ainsi que du droit de réunion et d'association pacifiques. Pour parvenir à cette conclusion, le Groupe de Travail a noté que Mr. Mbowe avait été arrêté en même temps que 15 autres membres du Chadema, avant une réunion prévue sur la réforme constitutionnelle. Le Groupe de Travail a également noté que Mr. Freeman Mbowe avait été arrêté par le passé, en raison de l'exercice de ses libertés fondamentales en tant que membre du parti d'opposition Chadema. Par conséquent, les arrestations de Mr. Freeman Mbowe s'inscrivent dans un schéma d'arrestation des voix dissidentes.
Par conséquent, le Groupe de Travail a conclu que la détention de Mr. Freeman Mbowe résultait de l'exercice pacifique de ses droits à la liberté d'opinion et d'expression et à la liberté de réunion et d'association pacifique, ainsi que de son droit de prendre part à la direction des affaires publiques, en violation des articles 19, 20 et 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des articles 19, 21, 22 et 25 du Pacte. Sa détention était donc arbitraire au titre de la catégorie II et aucun procès n'aurait dû avoir lieu dans cette affaire.
NÉGATION DU DROIT D'ACCÈS À UN AVOCAT ET À UN PROCÈS ÉQUITABLE
Le Groupe de Travail a constaté que les autorités avaient violé le droit de Mr. Freeman Mbowe à l'accès à un avocat immédiatement après son arrestation, puis au cours de son interrogatoire et de sa première comparution devant le tribunal. Ces violations ont considérablement compromis la capacité de M. Freeman Mbowe à se défendre dans toute procédure judiciaire ultérieure.
Le Groupe de Travail a donc conclu que la détention de Mr. Freeman Mbowe avait violé son droit à un procès équitable et à une procédure régulière, et que ces violations étaient d'une gravité telle qu'elles rendaient sa détention arbitraire au sens de la catégorie III.
UN ENSEMBLE DE PERSÉCUTIONS DISCRIMINATOIRES FONDÉES SUR LES OPINIONS POLITIQUES
Le Groupe de Travail a estimé que Mr. Freeman Mbowe avait été pris pour cible en raison de ses activités pacifiques, notamment parce qu'il avait exprimé son opposition au Gouvernement. Le Groupe de Travail a également noté que Mr. Freeman Mbowe a fait l'objet d'une discrimination fondée sur ses opinions politiques ou autres concernant le lancement d'une campagne sur la réforme constitutionnelle, en violation de son droit à l'égalité devant la loi et à l'égale protection de la loi en vertu des articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des articles 2 (1) et 26 du Pacte. Le Groupe de Travail a donc conclu que sa détention était arbitraire au titre de la catégorie V.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention de Mr. Freeman Mbowe était arbitraire et relèvait des catégories I, II, III et V, car contraire aux articles 2, 3, 6, 7, 8, 9, 11, 19, 20 et 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 2, 9, 14, 19, 21, 22, 25 et 26 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.
Le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a recommandé au Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie de prendre les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de Mr. Freeman Mbowe et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes, en commençant par libérer Mr. Freeman Mbowe sans condition et en lui accordant un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.
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