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VIETNAM : DÉTENTION ARBITRAIRE DU JOURNALISTE NGUYEN TUONG THUY

La Ligue Internationale contre la Détention Arbitraire exhorte le Gouvernement du Vietnam à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'Opinion n° 16/2023 du Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire concernant Nguyen Tuong Thuy, en commençant par sa libération immédiate et inconditionnelle, ainsi qu'en lui accordant un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lisez l'Opinion complète du GTDA concernant Nguyen Tuong Thuy (Vietnam): Opinion n°16/2023.


DÉTENU INCOMMUNICADO PENDANT 6 MOIS ET CONDAMNÉ EN VERTU D'UNE LOI VAGUE EN VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL


Mr. Nguyen Tuong Thuy, né en 1950, est un citoyen vietnamien résidant dans la ville de Thành Phố Hồ Chí Minh. Ancien militaire avec 22 ans de service, Mr. Thuy a consacré sa vie post-militaire à la défense des droits de l'homme, au blogging et au journalisme, se concentrant sur les droits civiques et la liberté d'expression. Membre actif de l'Association des Journalistes Indépendants du Vietnam et de la Fraternité pour la Démocratie, s'engageant dans des reportages critiques sur les abus des droits de l'homme, les questions environnementales et les politiques gouvernementales. Le 23 mai 2020, après des années de surveillance, de harcèlement et de restrictions imposées par les autorités Vietnamiennes, comprenant notamment l'interdiction de voyager à l'étranger et des interrogatoires répétés de la police, Mr. Thuy a été arrêté par les autorités d'État à son domicile à Hanoï.


Après son arrestation, le Groupe de Travail a noté que Mr. Thuy avait été détenu incommunicado pendant 6 mois et n'avait pas été autorisé à voir les membres de sa famille pendant 11 mois, l'empêchant ainsi d'être présenté promptement devant un juge, en violation de l'article 9 (3) et 9 (4) du Pacte garantissant le droit de contester la légalité de sa détention devant un tribunal. De plus, Mr. Thuy a été arrêté, détenu et condamné en vertu de l'article 117 du Code Pénal de 2015 pour avoir prétendument "fabriqué, stocké, diffusé des informations, des matériaux et des objets dans le but de s'opposer à l'État de la République Socialiste du Vietnam". Le Groupe de Travail a rappelé qu'il avait déjà trouvé que le langage utilisé dans cette loi était trop vague et avait soulevé à plusieurs reprises avec le Gouvernement Vietnamien la question des poursuites engagées en vertu de lois pénales imprécises. Par conséquent, le Groupe de Travail a estimé que l'accusation pour laquelle Mr. Thuy est détenu était tellement vague qu'il était impossible d'invoquer une base légale pour sa détention.


Pour ces raisons, le Groupe de Travail a constaté que le Gouvernement du Vietnam n'a pas réussi à établir une base légale pour l'arrestation et la détention de Mr. Thuy, rendant sa détention arbitraire selon la catégorie I.


DÉTENU POUR AVOIR EXERCÉ PACIFIQUEMENT SES DROITS EN TANT QUE DÉFENSEUR DES DROITS DE L'HOMME


Le Groupe de Travail a observé un schéma troublant de suppression contre des individus comme Mr. Thuy, qui utilisent leur droit à la liberté d'expression pour critiquer les actions gouvernementales et plaider pour les droits de l'homme. Les accusations portées contre Mr. Thuy en vertu de l'article 117 du Code Pénal mettent en évidence l'utilisation des lois sur la sécurité nationale pour faire taire la dissidence et restreindre injustement la liberté d'expression. Le Groupe de Travail a estimé que les accusations et les condamnations en vertu de l'article 117 du Code Pénal pour l'exercice pacifique de droits sont incompatibles avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et le Pacte et a rappelé qu'il était parvenu à une conclusion similaire lors de sa visite au Vietnam en octobre 1994, notant que les infractions de sécurité nationale vaguement définies ne faisaient pas la distinction entre les actes violents susceptibles de menacer la sécurité nationale et l'exercice pacifique des droits.


Le Groupe de Travail a réaffirmé que chacun a le droit, individuellement et en association avec d'autres, de promouvoir, de s'efforcer de protéger et de réaliser les droits de l'homme, et d'attirer l'attention du public concernant le respect des droits de l'homme. Le Groupe de Travail a surtout souligné le droit des défenseurs des droits de l'homme d'enquêter, de recueillir des informations et de rendre compte des violations de ces dits droits. Dans le cas de Mr. Thuy, le Groupe de Travail a conclu que sa détention résultait de l'exercice de son droit à la liberté d'opinion et d'expression et de sa participation aux affaires publiques, contrairement aux articles 19, 20, 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et aux articles 19, 22 et 25 (a) du Pacte.


Le Groupe de Travail a donc constaté que son arrestation et sa détention étaient arbitraires et relèvaient de la catégorie II.


CONDAMNÉ À 11 ANS DE PRISON MALGRÉ LES VIOLATIONS ÉVIDENTES DE SON DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE


Étant donné que la privation de liberté de Mr. Nguyen Tuong est arbitraire selon la catégorie II, le Groupe de Travail a souligné qu'aucun procès n'aurait dû avoir lieu. Cependant, Mr. Thuy a été jugé et condamné à 11 ans de prison et à 3 années supplémentaires d'assignation à résidence, et a été empêché de faire appel de sa condamnation.


De plus, le Groupe de Travail a constaté que l'accès à l'assistance juridique pour Mr. Thuy était extrêmement limité, violant ainsi son droit à l'égalité des armes et à une audience équitable par un tribunal indépendant et impartial en vertu de l'article 14 (1) du Pacte, ainsi que ses droits à disposer de suffisamment de temps et de facilités pour préparer sa défense avec un avocat, comme garanti par l'article 14 (3) (b) du Pacte. Le Groupe de Travail a noté que le présent cas est un autre exemple de refus ou de limitation de la représentation légale pour les individus faisant face à des accusations graves, ce qui suggère qu'il existe une défaillance systémique à fournir un accès à un avocat pendant les procédures pénales au Vietnam. Le Groupe de Travail a également souligné que Mr. Thuy avait été condamné après un bref procès à huis clos d'environ cinq heures, illustrant que, comme dans d'autres poursuites contre des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme, les procédures de procès ont été précipitées, avec peu de temps accordé à la défense pour présenter leurs arguments. Ce contexte a conduit le Groupe de Travail à conclure que la culpabilité de Mr. Thuy avait été déterminée avant le procès, ce qui a sapé son droit à la présomption d'innocence, garanti par l'article 14 (2) du Pacte et l'article 11 (1) de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.


Par conséquent, le Groupe de Travail a conclu que les nombreuses violations des droits de Mr. Thuy à un procès équitable et à une procédure régulière mentionnées ci-dessus étaient d'une gravité telle qu'elles rendaient sa privation de liberté arbitraire, relevant de la catégorie III.


UN SCHÉMA DISCRIMINATOIRE DE PERSÉCUTIONS CONTRE LES DÉFENSEURS DES DROITS DE L'HOMME AU VIETNAM


Le Groupe de Travail a noté que Mr. Thuy avait été ciblé en raison de ses activités en tant que journaliste et pour sa défense de la liberté de la presse et des droits de l'homme, en particulier en ce qui concerne ses reportages critiques sur les abus de ces dits droits dans le pays et les problèmes de liberté d'expression. Le Groupe de Travail a également souligné que la discrimination subie par Mr. Thuy reflètait un schéma plus large au Vietnam de harcèlement et de détention des défenseurs des droits de l'homme pour leur travail. Dans ce contexte, le Groupe de Travail a conclu que l'arrestation, la condamnation et la peine de Mr. Thuy visaient à le faire taire et à le punir pour avoir partagé ses opinions, une activité expressément protégée par le droit international.


Par conséquent, le Groupe de Travail a conclu que la privation de liberté de Mr. Thuy constituait une violation du droit international pour des motifs de discrimination fondée sur des opinions politiques ou autres, en raison de son statut de défenseur des droits de l'homme, violant ainsi les articles 2 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les articles 2 (1) et 26 du Pacte, et rendant sa détention arbitraire selon la catégorie V.


Enfin, le présent cas est l'un des nombreux cas portés devant le Groupe de Travail ces dernières années concernant la privation arbitraire de liberté de personnes, en particulier des défenseurs des droits de l'homme, au Vietnam. Nombre de ces cas suivent un schéma familier d'arrestation qui ne respecte pas les normes internationales, de détention prolongée en attendant le procès sans accès à un contrôle judiciaire, de refus ou d'accès limité à une assistance juridique, de détention incommunicado, de poursuites en vertu d'infractions pénales vaguement formulées pour l'exercice pacifique des droits de l'homme, de procès à huis clos bref où la procédure régulière n'est pas respectée, de peines disproportionnées et de refus d'accès au monde extérieur. Le Groupe de Travail a exprimé ses préoccupations quant au fait que ce schéma indique un problème systémique de détention arbitraire au Vietnam qui, s'il persiste, pourrait constituer une grave violation du droit international.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DES NATIONS UNIES CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE


À la lumière de ce qui précède, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a conclu que la détention de Mr. Nguyen Tuong Thuy était arbitraire et relevait des catégories I, II et III, car sa privation de liberté était en contravention des articles 2, 3, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 19, 20 et 21 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des articles 2, 9, 14, 15, 16, 19, 22, 25 (a) et 26 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de Travail des Nations Unies sur la Détention Arbitraire a recommandé au Gouvernement du Vietnam de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation de Mr. Nguyen Tuong Thuy sans délai, en commençant par sa libération immédiate et en lui accordant un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations. En outre, le Groupe de Travail a appelé le Gouvernement à revoir d'urgence son Code Pénal et d'autres lois nationales pour s'assurer qu'ils soient en conformité avec les obligations du Vietnam en vertu du droit international des droits de l'homme.

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