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DJIBOUTI : DÉTENTION ARBITRAIRE DU HAUT FONCTIONNAIRE D’ÉTAT ABDOULKARIM ADEN CHER

  • ILAAD
  • 11 nov. 2024
  • 7 min de lecture

La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le gouvernement de Djibouti à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°67/2024 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Abdoulkarim Aden Cher, demandant au gouvernement de Djibouti de le libérer immédiatement, sans condition, de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Abdoulkarim Aden Cher (Djibouti) : Avis No. 67/2024.


DÉTENTION D’UN HAUT FONCTIONNAIRE AYANT CRITIQUÉ LE GOUVERNEMENT


Abdoulkarim Aden Cher est un citoyen et haut fonctionnaire d’État djiboutien né en 1986. Il a notamment été Ministre du budget de mai 2019 à janvier 2022.


Selon la source, la détention de M. Aden Cher interviendrait dans un contexte de multiples détentions arbitraires d’opposants politiques, de militants des droits humains et de journalistes, et d’un manque de transparence lors des dernières élections présidentielles. Bien qu’ayant déjà exprimé des opinions critiques vis-à-vis du gouvernement, M. Aden Cher a occupé plusieurs postes de haut fonctionnaire. Le 2 janvier 2022, il aurait été soudainement démis de ses fonctions de Ministre du budget par décret présidentiel.


Son arrestation aurait eu lieu le 3 mars 2022, après qu’il ait publié sur les réseaux sociaux un pamphlet politique critique du Gouvernement. Les autorités auraient arrêté M. Aden Cher pour suspicion de détournement de fonds publics, de corruption et de trafic d’influence, suite à la publication d’un rapport de l’Inspection générale de l’État sur les dépenses publiques le 1er mars 2022. Le 6 mars 2022, le Procureur Général aurait diffusé un communiqué présentant M. Aden Cher comme l’instigateur principal d’un système de détournement de fonds au sein du Ministre du budget.


Le 7 mars 2022, M. Aden Cher aurait été présenté à un juge d’instruction, qui l’aurait mis en examen, remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire.


En réponse au communiqué du Procureur Général, M. Aden Cher aurait dénoncé des poursuites fondées sur des motifs politiques au cours d’une entrevue diffusée sur les réseaux sociaux en mars 2022. Le 23 mars 2022, M. Aden Cher aurait été placé en détention provisoire suite à l’appel formé contre la décision du juge d’instruction de placer M. Aden Cher sous contrôle judiciaire. Sa détention aurait été basée sur des soupçons de corruption passive, de trafic d’influence et d’entraves à la loi par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions, en application des articles 24, 200, 201, 206 et 208 du Code pénal. Depuis, M. Aden Cher serait maintenu en détention provisoire à la prison centrale de Gabode, à Djibouti. Après plus de deux ans sans avancée dans le dossier d’instruction, le juge d’instruction l’aurait transmis au Procureur Général le 28 mars 2024, soit 10 jours après la saisie du Groupe de travail sur les détentions arbitraires par les avocats de M. Aden Cher.


Le Groupe de travail a donné l’occasion au Gouvernement de Djibouti de répondre aux allégations de la source, ce qu’il a fait les 29 août et 3 septembre 2024.


ARRESTATION SANS MANDAT, NON-PRÉSENTATION PROMPTE DEVANT UN JUGE ET DÉTENTION PROVISOIRE PROLONGÉE


La source a avancé que M. Aden Cher était détenu sans fondement légal approprié et que l’État avait violé la procédure adaptée aux affaires d’actes criminels commis dans l’exercice de fonctions ministérielles. De plus, aucun mandat ne lui aurait été présenté lors de son arrestation. Bien que le Gouvernement ait répondu à l’argument de la source concernant la procédure, le Groupe de travail s’est abstenu d’examiner cette question qui relève du droit interne. Toutefois, le Gouvernement n’a pas apporté de précisions sur l’émission et la présentation d’un mandat à M. Aden Cher lors de son arrestation. Ainsi, le Groupe de travail a estimé qu’aucun mandat ne lui avait été présenté et que M. Aden Cher n’avait été informé des raisons de son arrestation que lors de sa comparution devant le tribunal, en violation de l’article 9(1) du Pacte. Le Groupe de travail a également conclu que la présentation de M. Aden Cher devant un juge quatre jours après son arrestation violait son droit d’être traduit devant un juge dans le plus court délai, prévu à l’article 9(3) du Pacte. 


De plus, la source a allégué que la détention provisoire prolongée de M. Aden Cher violait ses droits. Dans sa réponse, le Gouvernement a justifié la prolongation de la détention provisoire au motif que le Code de procédure pénale ne prévoyait aucune restriction de durée. Le Groupe de travail a rappelé que la détention provisoire devait rester exceptionnelle, raisonnable et justifiée au regard de la situation particulière de la personne détenue, et que le respect de la législation nationale ne permettait pas à un État de s’exempter de ses obligations relatives au droit international des droits humains. De cette façon, le Groupe de travail a considéré que la détention provisoire de M. Aden Cher, qui durait depuis plus de deux ans et demi, violait l’article 9(3) du Pacte.


Ainsi, le Groupe de travail a conclu que l’arrestation et la détention de M. Aden Cher étaient dépourvues de fondement légal et étaient donc arbitraires au titre de la catégorie I.


DÉTENU POUR AVOIR EXERCÉ SES DROITS À LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE PRENDRE PART AUX AFFAIRES PUBLIQUES


Selon la source, l’arrestation de M. Aden Cher et son placement en détention provisoire ont à chaque fois suivi l’expression de ses opinions sur les réseaux sociaux. Cette temporalité prouvait que M. Aden Cher avait été arrêté et détenu pour avoir exercé sa liberté d’expression et son droit de participer aux affaires publiques. Le Gouvernement a réfuté ses allégations et a expliqué que M. Aden Cher avait été arrêté pour détournement de fonds publics, corruption, trafic d’influence et entrave à la loi, suite à la publication d’un rapport d’audit. Au vu de la temporalité de la détention de M. Aden Cher ainsi que des observations de la société civile et du Comité des droits de l’homme sur le rétrécissement de l’espace civique à Djibouti, le Groupe de travail a estimé que la détention de M. Aden Cher résultait de l’expression de ses opinions critiques envers le Gouvernement. De ce fait, sa privation de liberté était arbitraire au titre de la catégorie II car elle violait les articles 19 et 25(a) du Pacte et les articles 19 et 21(1) de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui protègent respectivement les droits à la liberté d’expression et à la liberté de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays.


VIOLATIONS DU DROIT D’ACCÈS À UN AVOCAT ET DE LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE


Puisque la détention de M. Aden Cher était arbitraire au titre de la catégorie II, le Groupe de travail a rappelé qu’aucun procès n’aurait dû avoir lieu. Toutefois, le Groupe de travail a examiné les violations au droit à un procès équitable alléguées par la source et les réponses du Gouvernement.


Tout d’abord, la source a affirmé que M. Aden Cher n’avait eu accès à un avocat qu’à la fin de ses quatre jours de garde à vue, quelques minutes seulement avant sa présentation devant un juge. De ce fait, il n’avait pas pu communiquer librement avec son avocat et disposer du temps nécessaire pour préparer sa défense. Sans réponse précise du Gouvernement sur ces allégations, le Groupe de travail a conclu que M. Aden Cher avait été privé du droit à un avocat immédiatement après son arrestation, en violation de l’article 14(3)(b) du Pacte et de son droit à un procès équitable en vertu de l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


Ensuite, en déclarant publiquement M. Aden Cher comme l’instigateur d’un système frauduleux de détournement de fonds publics après son arrestation et avant son inculpation, le Procureur Général aurait, selon la source, violé la présomption d’innocence. Sur ce point, le Groupe de travail a estimé que le Gouvernement n’avait pas répondu à l’allégation de la source et a considéré qu’il y avait eu violation du droit de M. Aden Cher à la présomption d’innocence, protégé par l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et l’article 14(2) du Pacte.


Par conséquent, les violations du droit à un procès équitable étaient d’une telle gravité qu’elles conféraient à la détention de M. Aden Cher un caractère arbitraire relevant de la catégorie III.


DISCRIMINÉ EN RAISON DE SES OPINIONS POLITIQUES


Au regard de la catégorie V, le Groupe de travail a basé son examen sur sa précédente conclusion au titre de la catégorie II, le contexte de répression des opinions critiques du Gouvernement, et l’absence d’argument du Gouvernement contredisant les allégations de la source sur le caractère discriminatoire de la privation de liberté de M. Aden Cher. Il a donc conclu que M. Aden Cher avait été arrêté et était détenu pour des motifs discriminatoires fondés sur ses opinions politiques, en violation des articles 2, 7 et 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des articles 2(1), 19 et 26 du Pacte. Sa privation de liberté était donc arbitraire au sens de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE

 

Au vu de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention d’Abdoulkarim Aden Cher était arbitraire et relevait des catégories I, II, III et V, car sa privation de liberté était contraire aux articles 2, 3, 7, 9, 10, 11, 19 et 21 de la Déclaration Droits de l’Homme et aux articles 2, 9, 14, 19, 25 et 26 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de travail a appelé le Gouvernement djiboutien à mener une enquête approfondie sur les circonstances de ces violations. De plus, le Groupe de travail a demandé au Gouvernement djiboutien de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de M. Aden Cher et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la solution appropriée consisterait à le libérer immédiatement et à lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.



 

 

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