La Ligue internationale contre la détention arbitraire demande instamment au gouvernement égyptien de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n° 12/2023 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Safwan Ahmed Hassan Thabet et Seif Eldin Safwan Ahmed Thabet, en commençant par leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.
Lire l'avis complet du GTDA concernant Safwan Ahmed Hassan Thabet et Seif Eldin Safwan Ahmed Thabet (Egypte) : Avis No.12/2023
DÉTENUS DANS LE CADRE D'UNE POLITIQUE DE RÉPRESSION CONTRE LES ENTREPRISES PROSPÈRES EN ÉGYPTE
M. Safwan Thabet est un ressortissant égyptien, fondateur et ancien président de Juhayna Food Industries. M. Seif Thabet est le fils aîné de M. Safwan Thabet et est le directeur général de Juhayna Food Industries depuis 2016.
Messieurs Thabet ont été détenues respectivement pendant plus de trois et deux ans, dans le cadre d'une campagne de répression contre les entreprises prospères, par laquelle les autorités utilisent les lois sur le terrorisme pour ajouter les noms des propriétaires d'entreprises aux listes de terroristes et pour justifier le gel et la saisie de leurs biens. Messieurs Thabet sont les propriétaires du plus grand producteur de produits laitiers et de jus de fruits en Égypte, Juhayna Food Industries, fondé en 1983, qui détenait la plus grande part du marché des produits laitiers du pays et dont la capitalisation s'élevait à environ 1 milliard de livres égyptiennes (63,9 millions de dollars).
ARRÊTÉS ET DÉTENUS SANS BASE LÉGALE ET SOUMIS À DES DISPARITIONS FORCÉES
Messieurs Safwan Thabet et Seif Thabet ont été libérés le 21 janvier 2023. Le Groupte de travail a noté qu'ils ont été détenus sans mandat d'arrêt, respectivement le 2 décembre 2020 et le 6 février 2021, en violation des articles 3 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 9 (1) du Pacte.
Safwan Thabet et Seif Thabet ont été victime d'une disparition forcée pendant quatre jours consécutifs, les autorités refusant de révéler leur sort ou le lieu où ils se trouvaient à leur proches, malgré les nombreux efforts déployés par les membres de leur famille pour obtenir ces informations. Le Groupe de travail a rappelé que les disparitions forcées sont interdites par le droit international et constituent une forme particulièrement aggravée de détention arbitraire, qui a placé M. Safwan Thabet et M. Seif Thabet en dehors de la protection de la loi, en violation de l'article 6 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des articles 9 (2) et 16 du Pacte.
VIOLATIONS DU DROIT DE CONTESTER LA LÉGALITÉ DE LEUR DÉTENTION DE TROIS ET DEUX ANS
En outre, le Groupe de travail a constaté que Safwan Thabet et Seif Thabet s'étaient vu refuser le droit de contester la légalité de leur détention, en violation de l'article 9, paragraphe 4, du Pacte. Le Groupe de travail a rappelé que le droit de contester la légalité de la détention devant un tribunal est un droit fondamental autonome, qui est essentiel pour préserver le principe de légalité dans une société démocratique, qui est en fait une norme impérative du droit international, qui s'applique à toutes les formes de privation de liberté, y compris non seulement à la détention aux fins de la procédure pénale, mais aussi aux situations de détention en vertu du droit administratif et d'autres domaines du droit. Le Groupe de travail a également noté que les autorités n'ont pas déféré MM. Safwan Thabet et Seif Thabet devant une autorité judiciaire dans les 48 heures suivant leur arrestation, en violation de l'article 9 (3) du Pacte.
Enfin, le Groupe de travail a noté que M. Safwan Thabet et M. Seif Thabet étaient restés en détention provisoire pendant plus de trois et deux ans, respectivement. Le Groupe de travail a rappelé que selon une norme bien établie du droit international la détention provisoire doit être l'exception et non la règle et qu'elle doit ordonnée pour une durée aussi brève que possible. Ainsi, le Groupe de travail a considéré que les détentions de MM. Safwan Thabet et Seif Thabet étaient dépourvues de base légale car elle ne reposaient pas sur une détermination individualisée et n'étaient ni raisonnable ni nécessaire.
En conséquence, le Groupe de travail a estimé que l'arrestation et la détention subséquente de MM. Safwan Thabet et Seif Thabet étaient dépourvues de base légale et étaient donc arbitraires au sens de la catégorie I.
VIOLATIONS DU DROIT DE SOLLICITER RAPIDEMENT UNE REPRÉSENTATION JURIDIQUE
MM. Safwan Thabet et Seif Thabet se sont vus refuser le droit de solliciter rapidement une représentation juridique et de communiquer avec leurs avocats pendant leur détention. Le Groupe de travail a rappelé que toute personne privée de liberté a le droit d'être assistée par un avocat de son choix à tout moment de sa détention, y compris immédiatement après son arrestation, et que cet accès doit être assuré sans délai. Le droit à l'assistance juridique est essentiel au droit à un procès équitable car il permet de garantir que le principe de l'égalité des armes soit dûment respecté. En l'espèce, le gouvernement a violé les articles 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et l'article 14 (3) (b) et (d) du Pacte.
A la lumière de ce qui précède, le groupe de travail a considéré que les violations des droits de MM. Safwan Thabet et Seif Thabet à un procès équitable étaient d'une gravité telle que leur détention était arbitraire au sens de la catégorie III.
UN PROBLÈME SYSTÉMIQUE DE DÉTENTION ARBITRAIRE EN ÉGYPTE
Le Groupe de travail a noté que le présent avis n'est que l'un des nombreux avis rendus ces dernières années dans lesquels il a estimé que le Gouvernement égyptien ne respectait pas ses obligations internationales en matière de droits humains. Il a exprimé une fois de plus sa préoccupation quant à l'existence d'un problème systémique de détention arbitraire en Égypte qui, s'il perdure, pourrait constituer une violation grave du droit international. Le groupe de travail a rappelé que, dans certaines circonstances, l'emprisonnement généralisé ou systématique ou toute autre privation grave de liberté en violation des règles du droit international peuvent constituer des crimes contre l'humanité.
CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL CONTRE LA DÉTENTION ARBITRAIRE
À la lumière de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que la détention de Safwan Ahmed Hassan Thabet et de Seif Eldin Safwan Ahmed Thabet était arbitraire et relevait des catégories I et III, car leur privation de liberté était contraire aux articles 3, 6, 8, 9, 10 et 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux articles 2, 9, 14 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a recommandé au Gouvernement égyptien de prendre sans délai les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de M. Safwan Thabet et de M. Seif Thabet, en conformité avec les normes internationales pertinentes, à commencer par leur libération immédiate, et leur accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d’autres réparations.
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