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MAROC: DÉTENTION ARBITRAIRE DU MILITANT SAHRAOURI AL-HUSSEIN AL-BASHIR IBRAHIM

  • ILAAD
  • 11 nov. 2024
  • 6 min de lecture

La Ligue Internationale Contre la Détention Arbitraire exhorte le gouvernement du Maroc à prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre l'avis n°63/2024 du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire concernant Al-Hussein al-Bashir Ibrahim, demandant au gouvernement du Maroc de le libérer immédiatement, sans condition, de lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations conformément au droit international.


Lire l'intégralité de l'avis du GTDA concernant Al-Hussein al-Bashir Ibrahim (Maroc et Espagne) : Avis No. 63/2024.


UN MILITANT POLITIQUE SAHRAOUI DÉTENU EN ESPAGNE ET AU MAROC


Al-Hussein al-Bashir Ibrahim est un militant politique défendant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Aussi connu sous le nom de Lahoucine Amaadour, il est né en 1911 et réside habituellement à Laâyoune, au Sahara occidental. 


Lors de ses études à l’université d’Agadir, M. Al-Bashir Ibrahim a créé un mouvement d’étudiants sahraouis défendant leurs droits et le droit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. En 2018, des affrontements entre étudiants auraient eu lieu, menant à la mort d’un étudiant sahraoui violemment attaqué par des étudiants marocains. La source a expliqué que M. Al-Bashir Ibrahim aurait pris peur face à la violence exercée contre les militants sahraouis et aurait fui vers l’Espagne.


Le 11 janvier 2019, M. Al-Bashir Ibrahim est arrivé en Espagne par la mer, où il est immédiatement arrêté et placé en détention. Le 14 janvier, il est présenté devant la cour d’instruction pour franchissement irrégulier de la frontière espagnole, en présence d’un avocat et d’un interprète. Il est ensuite reconduit à la frontière marocaine, le 17 janvier 2019.


Ce même jour, au Maroc, il est arrêté et détenu par les autorités marocaines. Quatre jours plus tard, le 21 janvier, il est présenté devant un juge d’instruction, qui l’accuse d’avoir organisé le « groupe d’étudiants » et incité ce dernier à faire usage de violences ayant conduit à la mort d’un étudiant en 2016, pour laquelle le groupe d’étudiants a été condamné, sur la base des articles 303, 393, 401, 403 et 405 du Code pénal.


Malgré une première audience le 19 avril 2019, le procès est reporté à plusieurs reprises. Face à ces délais, la partie civile finit par demander le début du procès le 26 novembre 2019, malgré l’absence de la comparution des témoins. M. Al-Bashir Ibrahim est alors condamné à douze ans de prison pour organisation de violences et incitation à la violence ayant conduit à la mort, sans intention de la causer, en vertu des articles 403 et 405 du Code pénal.


Son procès en appel, initialement prévu le 25 mars 2020, a également été reporté de nombreuses fois. Toutefois, à l’issue d’une courte audience le 21 octobre 2020, la condamnation de M.  Al-Bashir Ibrahim à 12 ans de prison a été confirmée.


Selon la source, M. Al-Bashir Ibrahim a plusieurs fois dénoncé les conditions de sa détention, notamment la surpopulation et les violences exercées à son encontre, et aurait été déplacé entre plusieurs prisons, souvent à distance de sa famille, pour cette raison. Les plaintes adressées aux autorités pour mauvais traitements seraient restées sans réponse.


Suite à leur transmission par le Groupe de travail, les gouvernements du Maroc et de l’Espagne ont répondu aux allégations de la source.


PRIVÉ DE SON DROIT À UNE PRÉSENTATION RAPIDE DEVANT UN JUGE AU MAROC


En ce qui concerne l’Espagne, la source a allégué que la détention de M. Al-Bashir Ibrahim était dépourvue de base légale car aucun mandat d’arrêt ne lui avait été présenté et qu’il avait été forcé de signer des documents en espagnol. De plus, M. Al-Bashir Ibrahim aurait demandé l’asile politique lors de son audience devant la cour d’instruction et il aurait été renvoyé au Maroc sans que sa demande ne soit examinée. À ces allégations, le gouvernement espagnol a répondu que M. Al-Bashir Ibrahim avait été détenu immédiatement après son entrée irrégulière en Espagne, donc sur la base d’un fondement juridique. De plus, comme M. Al-Bashir Ibrahim avait eu accès à un avocat et un interprète, la procédure légale a respecté les garanties prévues par le droit international. En outre, le gouvernement a affirmé ne pas retrouvé de documents indiquant que M. Al-Bashir Ibrahim avait demandé l’asile à l’Espagne. Le Groupe de travail a estimé convaincante la réponse du gouvernent espagnol et n’a donc pas trouvé que M.  Al-Bashir Ibrahim avait été soumis à une détention arbitraire en Espagne.


Au Maroc, la source a d’abord affirmé que M. Al-Bashir Ibrahim avait été détenu après son transfert de l’Espagne sans mandat et sans être informé des raisons de son arrestation. Or le gouvernement marocain a répondu qu’un mandat de recherche avait été émis contre toutes les personnes impliquées dans les évènements de 2018 à Agadir et que M. Al-Bashir Ibrahim aurait fui vers l’Espagne pour éviter les accusations portées contre lui. Ainsi, il aurait eu conscience des raisons de son arrestation. En ce sens, le Groupe de travail a estimé qu’il n’était pas démontré que M. Al-Bashir Ibrahim ignorait les raisons de son arrestation.


Ensuite, selon la source, M. Al-Bashir Ibrahim aurait été interrogé pendant 48 heures sans avoir accès à un avocat ou à sa famille. Il aurait pu s’entretenir avec un avocat seulement quelques heures avant sa comparution devant un juge le 21 janvier 2019, soit cinq jours après son arrestation. Sur ce point, le gouvernement marocain a indiqué que M. Al-Bashir Ibrahim avait été informé de son droit à communiquer avec un avocat et sa famille le 19 janvier, mais celui-ci aurait refusé d’exercer son droit à ce moment-là.  Sans conclure sur ce point, le Groupe de travail a toutefois estimé que le droit de M.  Al-Bashir Ibrahim d’être traduit devant un juge dans un court délai après sa détention avait été violé. En effet, un délai maximal de 48 heures est généralement considéré comme adéquat pour répondre à l’exigence de l’article 9 (3) du Pacte.


Par conséquent, le Groupe de travail a conclu que la détention de M. Al-Bashir Ibrahim au Maroc était arbitraire au titre de la catégorie I.


PLUSIEURS VIOLATIONS DE SON DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE


La source a allégué que le droit de M.  Al-Bashir Ibrahim à un procès équitable avait été violé à plusieurs égards. Tout d’abord, M.  Al-Bashir Ibrahim aurait subi des coups et des mauvais traitements lors d’interrogatoires après son arrestation. De plus, les rapports issus de ses interrogatoires auraient ensuite été utilisés comme preuve contre M. Al-Bashir Ibrahim. La source a rappelé que le Groupe de travail avait établi dans sa jurisprudence un schéma de recours à la torture afin d’extorquer des aveux au Maroc. Le Maroc a dit n’avoir aucune trace de torture dans les procès-verbaux des interrogatoires et n’avoir reçu aucune plainte de la part de M. Al-Bashir Ibrahim. Le Groupe de travail a estimé que le Maroc n’avait pas assez démontré avoir pris les mesures nécessaires pour enquêter sur les allégations de mauvais traitements et d’utilisation de preuves obtenues par ce biais dans la procédure judiciaire. Ainsi, le Groupe de travail a conclu à la violation par le Maroc de l’article 14 du Pacte et l’article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.


Ensuite, selon la source, les autorités auraient violé les droits de M. Al-Bashir Ibrahim de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de communiquer avec un avocat, et d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge. Le Groupe de travail, tenant compte du manque de détails dans la réponse du Maroc, a conclu que les procédures engagées contre M. Al-Bashir Ibrahim avaient violé l’article 14 (1) et (3)(b) et (e) du Pacte.


Ainsi, les violations par le Maroc des droits de M. Al-Bashir Ibrahim à un procès équitable et à une procédure régulière étaient d’une gravité telle qu’elles rendaient la privation de liberté arbitraire et relevaient donc de la catégorie III.


Selon la source, M. Al-Bashir Ibrahim a été pris pour cible et était détenu en raison de son identité sahraouie et de ses opinions concernant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Le Groupe de travail a toutefois estimé que les accusations portées contre M. Al-Bashir Ibrahim concernaient des crimes graves dont toute personne pouvait être accusées. Il n’a donc pu établir que M. Al-Bashir Ibrahim avait été détenu de manière discriminatoire au titre de la catégorie V.


CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA DÉTENTION ARBITRAIRE


Au vu de ce qui précède, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a considéré que la détention d’Al-Hussein al-Bashir Ibrahim était arbitraire et relevait des catégories I et III, car sa privation de liberté était contraire aux articles 9 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et aux articles 9 et 14 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques.


Le Groupe de travail a appelé le gouvernement marocain à mener une enquête approfondie sur les circonstances de ces violations. De plus, le Groupe de travail a demandé au gouvernement marocain de prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier sans délai à la situation de M. Al-Bashir Ibrahim et la mettre en conformité avec les normes internationales pertinentes. Le Groupe de travail a estimé que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, la solution appropriée consisterait à le libérer immédiatement et à lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation et à d'autres réparations, conformément au droit international.


 

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